31 mai 2013

Votre bébé ne fait pas ses nuits? C'est génétique!

Qui n'a pas entendu le fameux "Madame, à son âge, votre bébé devrait faire ses nuits" de la part du médecin ou le traditionnel "Moi, mon bébé dormait 12 heures ininterrompues à 2 semaines" de la voisine? De quoi faire sentir la plupart d'entre nous profondément incompétents! Cependant, parents épuisés et incompris, réjouissez-vous! La science vient à votre rescousse en émettant l'hypothèse que la durée du sommeil de nuit chez les bébés serait déterminée génétiquement.

Une équipe de chercheurs du Québec vient en effet de publier une étude qui se penche sur l'impact de la génétique et de l'environnement sur le sommeil des jeunes enfants. Pour élucider cette question, les chercheurs ont analysés des couples de jumeaux identiques et non-identiques. Comme les jumeaux identiques ont exactement les mêmes gènes, leur étude permet de déterminer l'importance de l'hérédité pour un comportement en particulier, le sommeil nocturne par exemple.

Les chercheurs ont ainsi remarqué qu'à 6 mois, 30 mois et 48 mois, le facteur le plus important pour déterminer la durée du sommeil de nuit était l'hérédité. Au contraire, lorsque les chercheurs analysaient le sommeil de jour à 18 mois, 30 mois et 48 mois, l'environnement avait un impact plus important.

Fait intéressant, l'étude a toutefois démontré que la durée du sommeil nocturne à 18 mois était majoritairement influencée par l'environnement. Selon les chercheurs, il s'agirait donc d'une fenêtre critique où il serait possible d'intervenir pour favoriser un bon apprentissage du sommeil.

Les chercheurs ont également tenté d'établir comment évoluait le sommeil chez l'enfant, de 6 mois à 48 mois. Ils ont ainsi observé quatre cheminements. La majorité des enfants avaient une durée de sommeil plutôt constante à partir de 18 mois et se trouvaient soit dans le groupe "11 heures de sommeil" (42,8 %), soit dans le groupe "10 heures de sommeil" (47,68 %). Cependant, un petit nombre d'enfants (4,9 %) avait une courte durée de sommeil persistante et un autre petit groupe (4,6 %) expérimentait une augmentation de la durée du sommeil nocturne autour de l'âge de 30 mois.

L'étude de l'évolution du sommeil chez les enfants permet de tirer certaines conclusions selon les auteurs. Par exemple, pour les enfants qui font partie du groupe ayant une courte durée de sommeil persistante, les auteurs croient que ceux-ci sont plus fortement influencés par leur hérédité. Par contre, pour les enfants dont la durée du sommeil nocturne augmente soudainement, il serait possible que ceux-ci avaient une prédisposition génétique pour dormir davantage mais que l'environnement les empêchait de réaliser ce potentiel de sommeil.

Par conséquent, même si la durée du sommeil nocturne est en grande partie dictée par l'hérédité, cela ne signifie pas que de bonnes habitudes de sommeil sont superflues. Au contraire, un bon environnement permettra à l'enfant d'atteindre son potentiel optimal de sommeil.

Cependant, ce que cette étude nous apprend, c'est que certains enfants dorment naturellement moins que d'autres. Par conséquent, il est faux de prétendre que tous les bébés sont capables de faire leur nuit à un âge précis ou qu'une méthode d'entraînement au sommeil fonctionne pour tous les enfants. Enfin, cette étude démontre clairement que les parents ne sont pas nécessairement responsables des troubles de sommeil de leur enfant.

Pour en savoir plus sur le sommeil des bébés: 
Le sommeil et l'attachement chez les prématurés
À propos de l'étude recommandant de laisser pleurer son bébé...
Les méthodes d'entraînement au sommeil sous la loupe

Référence:
E. Touchette, G. Dionne, N. Forget-Dubois, D. Petit, D. Pérusse, B. Falissard, R. E. Tremblay, M. Boivin and J. Y. Montplaisir (2013) Genetic and Environmental Influences on Daytime and Nighttime Sleep Duration in Early Childhood. Pediatrics; published ahead of print May 27, 2013, doi:10.1542/peds.2012-2284.

29 mai 2013

Les nausées de Kate et le sexe du bébé

Est-ce que les nausées de grossesse extrêmes de Kate Middleton pourraient nous aider à savoir si la couronne britannique aura bientôt un nouvel héritier mâle pour le trône d'Angleterre? Cela pourrait être possible si on se fie à la conclusion de chercheurs israéliens qui ont étudié l'impact du sexe du bébé sur la fréquence et la sévérité de ce type de vomissements.

Il s'agit d'un sujet intéressant puisque la duchesse de Cambridge n'est définitivement pas la seule à souffrir de cette condition. On estime en effet que 70 à 90 % des femmes enceintes connaîtront des nausées pendant leur grossesse et que la moitié souffrira de vomissement. Lorsque les vomissements deviennent intraitables, on parle alors d'hyperemesis gravidarum. Ces vomissements excessifs peuvent causer des déséquilibres des fluides et des électrolytes de même qu'un déficit nutritif et une perte de poids. Ces complications mènent souvent à une hospitalisation.

Les chercheurs israéliens ont donc analysé toutes les femmes admises à leur hôpital pour hyperemesis gravidarum entre 1994 et 2008. Ils ont ainsi remarqué que les femmes atteintes de cette condition portaient plus souvent une fille, en particulier si les vomissements excessifs avaient débuté dans les 10 premières semaines de grossesse. Par ailleurs, les mères atteintes qui portaientt une fille avaient vu leurs symptômes apparaître plus tôt et nécessitaient plus souvent une alimentation totale par voie intraveineuse.

Cependant, les femmes souffrant d'hyperemesis gravidarum portant un garçon semblaient avoir un risque plus élevé de travail prématuré et de maladies néonatales. En d'autres termes, si les vomissements excessifs sont plus courants chez les femmes portant des filles, les bébés mâles semblent plus sensibles aux effets négatifs de cette condition.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'on remarque que  les bébés de sexe masculin sont plus fragiles. Par exemple, le fait de porter un garçon est un facteur de risque pour un certain nombre de complications pendant la grossesse comme les fausses couches ou le travail prématuré, le diabète de grossesse, l'arrêt du travail et la césarienne.

Bien sûr, on ne peut pas utiliser de tels résultats pour conclure qu'une petite princesse verra bientôt le jour. Il est toutefois intéressant de constater que le sexe du bébé à naître semble avoir un impact sur le déroulement de la grossesse.

Pour en savoir plus sur l'impact du sexe du bébé:
Le peau-à-peau est-il différent selon le sexe du bébé?

Références:
Peled Y, Melamed N, Hiersch L, Hadar E, Wiznitzer A, Yogev Y. (2013) Pregnancy Outcome in Hyperemesis Gravidarum - The Role of Fetal Gender.  J Matern Fetal Neonatal Med. 2013 Apr 24. [Epub ahead of print]


Di Renzo GC, Rosati A, Sarti RD, Cruciani L, Cutuli AM. (2007) Does fetal sex affect pregnancy outcome? Gend Med. 2007 Mar;4(1):19-30.

Philip B. (2003) Hyperemesis gravidarum: literature review. WMJ. 102(3):46-51.

27 mai 2013

Question de la semaine: Les glandes de Montgomery sont-elles un outil de communication?

Aujourd'hui, j'aborde un sujet proposé par Louise Bonneau: le rôle des glandes de Montgomery dans la communication entre une mère et son bébé.

Les glandes de Montgomery sont de petites bosses distribuées autour de l'aréole et qui deviennent plus volumineuses pendant la grossesse. Elles sont composées d'une glande sébacée (produisant du sébum) et d'une glande mammaire complète et fonctionnelle. On en retrouve en moyenne 8 à 9 par sein et on sait qu'elles jouent un rôle de lubrification et de protection du mamelon. De plus, en modifiant le pH de la peau, elles diminuent le nombre de bactéries s'y trouvant. Cependant, dans les dernières années, on a leur a découvert un nouveau rôle: un outil de communication entre la mère et son bébé.
Comme une femme sur 5 rapporte avoir déjà vu des sécrétions s'échapper des glandes de Montgomery, on croit donc que celles-ci permettraient au corps de la mère de communiquer avec le bébé via les odeurs.

On sait déjà que les odeurs peuvent avoir un impact sur le comportement du bébé. Par exemple, l'exposition du nourrisson à l'odeur du sein diminue l'état de veille chez les bébés agités et l'augmente chez les bébés somnolents. Elle favorise aussi les mouvements de tête, les activités associées à l'appétit et pourrait stimuler le bébé à ramper en direction du sein.

Par ailleurs, les bébés se comportent différemment selon qu'on les expose à un sein entièrement recouvert d'une pellicule plastique (ce qui a pour effet de bloquer les odeurs), à un sein dont uniquement le mamelon est découvert, à un sein dont l'aréole est découverte ou à un sein complètement découvert. En effet, quand le bébé peut être en contact avec le lait maternel ou les sécrétions aréolaires, il pleure moins, ouvre davantage les yeux et fait davantage de mouvements avec sa bouche.

Fait intéressant, les glandes de Montgomery sont plus nombreuses dans la section supérieure latérale de l'aréole, c'est-à-dire là où se trouve habituellement le nez du bébé. D'ailleurs, chez les bébés de femmes qui ont un nombre plus élevé de glandes de Montgomery, on observe un meilleur gain de poids pendant les trois premiers jours, une meilleure prise du sein et un début plus rapide de la production de lait. En fait, ces glandes seraient impliquées dans le succès de l'allaitement chez les mères d'un premier bébé.

Dans une étude réalisée en 2009, on a administré dans le nez de bébés de 3 jours des sécrétions provenant des glandes de Montgomery de femmes allaitantes. Les chercheurs ont alors remarqué que ces sécrétions étaient plus efficaces que le lait maternel pour augmenter de façon immédiate et durable la durée des mouvements de tête et de bouches. Par ailleurs, les sécrétions augmentaient l'amplitude inspiratoire, un phénomène permettant de mieux inhaler les odeurs. Ces effets étaient observés chez tous les bébés étudiés, ce qui signifie que les bébés reconnaissent cette odeur même sans y avoir été exposé au préalable.
Toutefois, les bébés allaités à qui on a administré ces sécrétions ont expérimenté une diminution du rythme cardiaque suivie d'une accélération. Selon les chercheurs, ce phénomène pourrait être un indice d'une réponse d'orientation chez le bébé allaité. Les glandes de Montgomery pourraient donc servir de stimulation sensorielle pour guider le bébé vers le mamelon, l'aider à bien aligner sa tête et à déclencher une séquence comportementale favorable à la tétée. Par conséquent, cela pourrait expliquer le fait que la présence de glandes de Montgomery contribue à bien stimuler le sein et à favoriser la production de lait, sans compter l'impact possible sur l'attachement et la création du lien mère-enfant.

Enfin, certains experts de l'allaitement comme le Dr. Jack Newman propose que les sécrétions des glandes de Montgomery pourraient même servir à informer le bébé de la quantité de lait se trouvant dans le sein. Cela pourrait expliquer pourquoi certains bébés s'agitent parfois avant même d'avoir commencé à téter. Cependant, selon Benoist Schaal, chercheur dans ce domaine, leur recherche ne permet pas de conclusions de ce genre. (Communication personnelle). Ces hypothèses devront donc  être vérifiées expérimentalement avant qu'on puisse déterminer avec plus de certitudes si elles sont fondées.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le développement de l'enfant? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références:
Doucet S, Soussignan R, Sagot P, Schaal B. (2012) An overlooked aspect of the human breast: areolar glands in relation with breastfeeding pattern, neonatal weight gain, and the dynamics of lactation. Early Hum Dev. 88(2):119-28. doi: 10.1016/j.earlhumdev.2011.07.020. Epub 2011 Aug 17.

Doucet S, Soussignan R, Sagot P, Schaal B (2009) The Secretion of Areolar (Montgomery's) Glands from Lactating Women Elicits Selective, Unconditional Responses in Neonates. PLoS ONE 4(10): e7579. doi:10.1371/journal.pone.0007579

Doucet S, Soussignan R, Sagot P, Schaal B. (2007) The "smellscape" of mother's breast: effects of odor masking and selective unmasking on neonatal arousal, oral, and visual responses. Dev Psychobiol. 49(2):129-38.
Lawrence, R. A., & Lawrence, R.M. (2005). Breastfeeding: A Guide for the Medical Profession (6th ed.). Philadelphie : Elsevier Mosby.

Mohrbacher, N. (2010) Breastfeeding Answers Made Simple. Amarillo: Hale Publishing.

Riordan, J., & Wambach, K. (2010). Breastfeeding and Human Lactation (4th ed.). Sudbury: Jones and Bartlett.

Walker, Marsha (2010-09-15). Breastfeeding Management For The Clinician: Using The Evidence (Kindle Locations 3029-3030). Jones & Bartlett Learning. Kindle Edition.

Newman, Jack. (2013). Les normes du bébé allaité. Conférence présentée dans le cadre des Conférences en périnatalité et allaitement organisées par la Maison de la famille Drummond, le 22 avril 2013.

23 mai 2013

Dangereux le partage de lit?

Le toujours controversé sujet du partage de lit est de retour dans l'actualité. Cette fois-ci, c'est une étude publiée dans le journal BMJ Open qui fait couler l'encre. Selon cette recherche qui est une nouvelle analyse d'anciennes études sur le sujet, le risque de mort subite du nourrisson chez les bébés de moins de trois mois serait plus élevé lors du partage de lit et ce, même si les parents sont non-fumeurs et que la mère n'a pas consommé d'alcool ou de drogues illégales.

Plusieurs voix s'élèvent déjà pour contester les conclusions tirées par les chercheurs. Ces résultats pourraient en effet avoir des conséquences importantes puisque la principale recommandation du groupe de recherche est de condamner toute forme de partage de lit. Pour cette raison, certains organismes oeuvrant auprès des mères et de leur bébé ont analysé les détails de l'étude.

Ainsi, le Infant Sleep Information Source (ISIS), un groupe d'organisations offrant du support aux parents et affilié à l'Université Durham au Royaume-Uni, s'interroge sur le choix des anciennes études qui ont été réanalysées. Ces études datent de 15 à 26 ans pour certaines et sont très hétérogènes, ce qui rendrait leur analyse peu convaincante. Il s'agit également d'études de cas réalisées auprès de populations très spécifiques. Selon ISIS, il n'est généralement pas possible de généraliser les résultats de ce genre d'étude à une autre population.

De plus, selon l'UNICEF-UK, les études analysées ne contiendraient pas assez de données pour déterminer si le partage de lit est, par lui-même, un facteur de risque pour la mort subite du nourrisson ou si ce sont plutôt les conditions dans lesquels il est pratiqué qui pourraient être dangereuses. Cet organisme soulève aussi certaines irrégularités dans le calcul du risque associé au partage du lit pour un bébé allaité dont les parents ne sont pas fumeurs et dont la mère ne consomme pas d'alcool.

Par exemple, le groupe ISIS souligne que, selon les chercheurs, le risque de mort subite pour un tel bébé est de 2 / 10 000 lors du partage de lit et de 1 / 10 000 lorsque le bébé dort dans son propre lit dans la chambre des parents. Cependant, le risque moyen de mort subite chez les bébés du Royaume-Uni est de 1 / 3 000 à 3,4 / 10 000. Donc, peu importe le lieu de sommeil, les bébés allaités dont les parents sont non-fumeurs et dont la mère ne consomme pas d'alcool courent très peu de risques de mourir de la mort subite du nourrisson.  Comme le mentionne UNICEF-UK, on se demande donc pourquoi ces chercheurs mettent autant d'énergie à mettre les mères allaitantes en garde contre le partage de lit quand certains groupes sont beaucoup plus à risque.

Par ailleurs, un autre groupe d'experts affilié à l'Université de North Texas, à l'Université de Colombie-Britannique et à l'Université de Notre-Dame font judicieusement remarquer que plusieurs facteurs de risques n'ont pas été considérés dans l'analyse: 
  • Est-ce que le partage de lit était planifié?
  • Est-ce que la mère fumait pendant la grossesse?
  • Que signifie-t-on par allaitement partiel?
  • Est-ce que la mère était sous l'influence de médicaments sous prescription?
  • Est-ce que le bébé était prématuré?
  • Est-ce que les parents étaient exténués?
  • Est-ce que la mère était obèse?
  • Combien de personnes partageaient le lit et où était situé le bébé par rapport à ces personnes?
  • Est-ce que le père avait consommé de l'alcool?
  • Est-ce que les parents avaient été informés des risques associés au partage de lit et est-ce qu'on les avait conseillés sur la façon de le faire sécuritairement?
De plus, certains facteurs peuvent affecter la respiration du bébé et sa capacité à s'éveiller: la quantité d'oreillers et d'édredons ou la température de la pièce par exemple. Pourtant, ceux-ci ne sont pas pris en compte dans l'analyse.

Voilà donc ce qui semble être de la mauvaise science mais qui aura malheureusement des conséquences fâcheuses pour bien des parents. Selon ISIS, ces recommandations simplistes sans bases scientifiques solides pourraient bien occasionner un manque de sensibilité de la part des professionnels de la santé, surtout au niveau culturel. Elles ne permettent pas non plus aux parents de faire un véritable choix éclairé. Devant  un tel dogmatisme, certains parents choisiront peut-être de mentir à leur médecin et ne pourront donc pas être informés adéquatement sur la façon de faire du partage de lit sécuritaire. 

Enfin, certains parents apeurés décideront peut-être d'éviter complètement le partage de lit pour se tourner vers des arrangements autrement plus dangereux comme s'endormir sur un sofa avec leur bébé. Espérons donc que les professionnels de la santé sauront reconnaitre cette étude pour ce qu'elle est et qu'ils auront une approche sensible lorsque vient le temps d'aborder le sujet du sommeil avec leurs patients.

Toujours sur le partage du lit:
Les campagnes contre le partage de lit se trompent-elles de cible?
Les risques du partage du lit ou pourquoi il faut lire attentivement les nouvelles études

Références:
Ockwell-Smith, S., Middlemiss, W., Cassels, T., Stevens, H. and D. Narvaez. (2013) SIDS: Risks and Realities, A Response to Recent Findings on Bedsharing and SIDS Risk. Consulté à l'adresse http://www.praeclaruspress.com/carpenter_white_paper.pdf le 22 mai 2013.

UNICEF-UK. (2013) UNICEF-UK Baby Friendly Initiative Statement on new bed sharing research. Consulté à l'adresse http://www.unicef.org.uk/BabyFriendly/News-and-Research/News/UNICEF-UK-Baby-Friendly-Initiative-statement-on-new-bed-sharing-research/ le 22 mai 2013.

Statement from ISIS. (2013) New analysis of bed-sharing and SIDS: Carpenter et al (2013) in BMJ Open. Consulté à l'adresse http://www.dur.ac.uk/resources/isis.online/statements/Carpenteretal2013ISIScommentary1.2.pdf le 22 mai 2013.

21 mai 2013

Question de la semaine: Angelina, le gène BRCA1 et l'allaitement?

Cette semaine, je réponds à la question de Chantal Caissié: "On entend beaucoup parler de la mutation qui augmente les risques de cancer du sein d'Angelina Jolie. Est-ce que l'allaitement peut, dans ce cas, diminuer le pourcentage?"

L'annonce d'Angelina Jolie concernant l'ablation préventive de ses deux seins a permis de faire connaître au grand public deux gènes importants dans la prévention du cancer du sein: BRCA1 et BRCA2. En effet, Angelina Jolie est porteuse d'une mutation dans le gène BRCA1, ce qui la rend plus susceptible de développer un cancer du sein.

On estime que les porteuses de cette mutation ont un risque de 80 % de souffrir d'un cancer du sein à 70 ans et de 30 à 40 % pour le cancer des ovaires. Pour ce qui est des porteuses d'une mutation dans le gène BRCA2, celles-ci ont un risque de 50 % de développer un cancer du sein et de 10 à 15 % pour le cancer des ovaires. Les mutations dans les gènes BRCA1 et BRCA2 sont responsables de 5 % des cas de cancer du sein.

Lorsqu'ils sont fonctionnels, les gènes BRCA1 et BRCA2 permettent aux cellules de fabriquer deux protéines responsables de garder l'ADN intact. Cette fonction est primordiale puisque l'ADN de nos cellules est souvent endommagé par différents agents comme les rayons UV, les radiations et les substances chimiques. Lorsque cela arrive, il est critique de réparer l'ADN pour éviter que des gènes défectueux se propagent et donnent naissance à des cellules cancéreuses. Pour cette raison, on appelle les gènes comme BRCA1 et BRCA2 des gènes suppresseurs de tumeur.

En particulier, les protéines issues de ces deux gènes jouent un rôle pour réparer l'ADN. Elles vont aussi assurer que les cellules ne se multiplient pas tant que l'ADN n'est pas complètement réparé. Par conséquent, lorsque les gènes BRCA1 et BRCA2 sont mutés, ils ne peuvent plus produire des protéines fonctionnelles et l'ADN ne peut plus être réparé de façon adéquate. De nouvelles mutations s'accumulent alors et des cellules cancéreuses peuvent voir le jour.

Et l'allaitement dans tout ça?
On sait déjà que le fait d'avoir allaité est un facteur de protection contre le cancer du sein. Lors de l'allaitement, l'exposition aux hormones ovariennes comme l'estrogène et la progestérone diminue puisque le nombre de cycle ovulatoire est moindre. Le développement des lobules du sein pourrait aussi avoir un impact sur le développement du cancer. Enfin, la production de lait pourrait éviter l'accumulation de substances toxiques dans les canaux du sein.

Cependant, ces mécanismes sont-ils toujours efficaces pour les femmes porteuses de mutations dans les gènes BRCA1 ou BRCA2? Après tout, il s'agit d'une forte prédisposition à développer un cancer.

Il semblerait pourtant que oui pour ce qui est du gène BRCA1. En effet, le fait d'avoir allaité réduit significativement le risque de cancer du sein pour les femmes porteuses d'une copie mutée de BRCA1. La durée de l'allaitement semble aussi un facteur important.

Cette observation pourrait s'expliquer par le fait que les gènes BRCA semblent aussi impliquer dans la différentiation des cellules du sein. D'ailleurs, une mutation du gène BRCA1 est associée à une multiplication anormale des cellules du sein lors de l'allaitement.

La protection de l'allaitement ne semble toutefois pas présente pour les porteuses d'une mutation dans le gène BRCA2. Le développement des cancers BRCA1 et BRCA2 étant plutôt différent, cela pourrait expliquer que le degré de protection provenant de l'allaitement soit différent.

En conclusion, pour les femmes qui sont porteuses d'une mutation dans le gène BRCA1, l'allaitement peut constituer une mesure préventive au développement d'un cancer du sein. Enfin mentionnons que les femmes qui ont subi l'ablation préventive des seins avant la venue de leurs enfants, n'ont pas à s'inquiéter de l'impact du non-allaitement sur leurs risques de développer un cancer du sein. En effet, l'ablation préventive diminue les risques jusqu'à un niveau si bas que le fait de ne pas allaiter n'est alors plus un facteur important.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le développement de l'enfant? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références:
O'Donovan PJ, Livingston DM. (2010) BRCA1 and BRCA2: breast/ovarian cancer susceptibility gene products and participants in DNA double-strand break repair. Carcinogenesis. 31(6):961-7. doi: 10.1093/carcin/bgq069. Epub 2010 Apr 16.

Kotsopoulos J, Lubinski J, Salmena L, Lynch HT, Kim-Sing C, Foulkes WD, Ghadirian P, Neuhausen SL, Demsky R, Tung N, Ainsworth P, Senter L, Eisen A, Eng C, Singer C, Ginsburg O, Blum J, Huzarski T, Poll A, Sun P, Narod SA; Hereditary Breast Cancer Clinical Study Group. (2012) Breastfeeding and the risk of breast cancer in BRCA1 and BRCA2 mutation carriers. Breast Cancer Res. 2012 Mar 9;14(2):R42.

Jernström H, Lubinski J, Lynch HT, Ghadirian P, Neuhausen S, Isaacs C, Weber BL, Horsman D, Rosen B, Foulkes WD, Friedman E, Gershoni-Baruch R, Ainsworth P, Daly M, Garber J, Olsson H, Sun P, Narod SA. (2004) Breast-feeding and the risk of breast cancer in BRCA1 and BRCA2 mutation carriers. J Natl Cancer Inst. 2004 Jul 21;96(14):1094-8.

17 mai 2013

Les recommandations officielles ne favorisent pas les AVAC

Entre 1996 et 2010, le taux de césariennes aux États-Unis a passé de 21 % à 32 % et celui des accouchements vaginaux après une césarienne (AVAC) de 28 à 8 %. Devant cette situation inquiétante, le National Institute of Health (NIH) a lancé une conférence sur cette problématique en mars 2010, ce qui a mené ultimement à la révision de la position du Collège américain des obstétriciens-gynécologues (ACOG) sur le sujet des essais de travail en cas de césarienne antérieure.

La nouvelle recommandation mentionne explicitement que l'essai de travail en cas de césarienne antérieur est un choix approprié pour les femmes avec une ou deux césariennes antérieures (incision transverse basse) et que si  la patiente est adéquatement informée des risques, l'équipe médicale doit respecter son choix. Toutefois, cette nouvelle position est-elle suffisante pour améliorer l'accessibilité à l'AVAC?

Des chercheurs californiens ont tenté d'évaluer l'impact de ce changement de position en analysant l'offre d'essais de travail en cas de césarienne antérieure dans les hôpitaux de l'état. Leur étude a permis de constater que le taux d'AVAC en Californie demeure bas, c'est-à-dire 8 %.

En fait, un nombre important d'hôpitaux (42,8 %) n'offrent tout simplement pas la possibilité de tenter un AVAC. La raison invoquée par ceux-ci est que les médecins formés pour effectuer des césarienne ne sont pas intéressés à rester de garde à l'hôpital pour une femme qui tente un AVAC ou parce qu'ils ne veulent pas perdre du temps consacré habituellement aux césariennes planifiées.

Du côté des hôpitaux disant offrir l'essai de travail en cas de césarienne antérieure, la majorité sont de gros hôpitaux urbains. Ces hôpitaux ont aussi plus souvent un obstétricien de garde de même qu'un anesthésiste disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le taux d'AVAC y varie de 0 à 37,3%. En fait, 14 de ces 139 hôpitaux ont un taux inférieur à 2 %.

Selon les infirmières interrogées dans le  cadre de cette étude, bien que la politique de certains hôpitaux soit d'encourager les tentatives d'AVAC, dans les faits, peu de médecins acceptent d'en faire. Selon les auteurs, les obstétriciens seraient inquiets des risques de poursuite mais auraient aussi peu d'opportunité d'assister à des AVAC pendant leur résidence ce qui réduirait leur sentiment de compétence à cet égard.

Les auteurs concluent donc que la nouvelle position de l'ACOG a eu peu d'impact sur les taux d'AVAC en Californie. Certains des hôpitaux analysés avouent même ne pas "annoncer" qu'ils font des AVAC et se contenter de l'existence d'un formulaire de refus de césarienne. Selon les auteurs, si on veut faciliter l'accès à l'AVAC, il faudra donc comprendre pourquoi les médecins ne se sentent pas prêts à offrir véritablement le choix aux femmes.

Pour en savoir plus sur l'AVAC:
Les AVAC sont-ils plus risqués qu'une deuxième césarienne?
Question de la semaine: Dans quelles conditions l'AVAC est-il possible?


Référence:
Barger MK, Dunn JT, Bearman S, Delain M, Gates E. (2013) A survey of access to trial of labor in California hospitals in 2012. BMC Pregnancy Childbirth. 13:83. doi: 10.1186/1471-2393-13-83.



15 mai 2013

La durée de l'allaitement influence-t-elle les réserves de fer d'un bébé?

Tous les parents s'inquiètent un jour ou l'autre au sujet de l'alimentation de leur enfant. Reçoit-il bien tout ce dont il a besoin? Par exemple, l'anémie chez  un bébé est une préoccupation courante chez les nouveaux parents. Une nouvelle étude publiée dans la revue Pediatrics pourrait donc susciter bien des inquiétudes puisqu'elle propose un lien entre la durée de l'allaitement et les réserves en fer d'un nourrisson.

Des chercheurs de Toronto ont en effet étudié 1647 enfants âgés entre 12 et 72 mois pour déterminer leur statut en fer en lien avec la durée de leur allaitement. Pour connaître les réserves en fer des bébés, les chercheurs ont mesuré la quantité de ferritine, une protéine responsable du stockage du fer, dans le sang des nourrissons. Ils ont également mesuré la quantité d'hémoglobine pour déterminer la fréquence de l'anémie chez ces enfants.

Leur analyse a révélé que pour chaque mois d'allaitement, le taux de ferritine diminuait par 0,24 mcg/L. À titre indicatif, le taux de ferritine chez ces enfants tournait autour de 32 mcg/L et on considère qu'une personne est en carence en fer lorsque son taux de ferritine est inférieur à 14 mcg/L.

Par conséquent, le risque de connaître une carence en fer était légèrement supérieur chez les enfants allaités plus longtemps (augmentation de 4,8 % du risque par mois d'allaitement selon les auteurs). Il n'y avait toutefois pas un risque significativement plus élevé de développer de l'anémie chez les enfants allaités plus longtemps.

Alors, doit-on s'inquiéter devant ces résultats? Personnellement, je ne crois pas et voici pourquoi.

Premièrement, il faut mentionner qu'il s'agit de la première étude démontrant de tels résultats. En recherche, il est toujours préférable d'avoir plusieurs études allant dans le même sens. Cela permet en effet de s'assurer que les résultats obtenus peuvent être reproduits par un autre expérimentateur, diminuant ainsi le risque que les données soient le résultat d'une erreur expérimentale.

Deuxièmement, si pour chaque mois d'allaitement le taux de ferritine diminue de 0,24 mcg/L, cela signifie qu'un bébé allaité pendant 12 mois aura un taux de ferritine inférieur de 1,4 mcg/L à celui d'un bébé allaité pendant 6 mois. En tenant compte du fait que le taux de ferritine médian est de 32 mcg/L, cela représente une différence d'à peine 4 %. Les effets mesurés sont donc somme toute modestes. Cela est d'autant plus vrai que 27 % des enfants analysés ont été allaités plus de 12 mois mais seulement 9 % de tous les enfants  souffraient d'une carence en fer et à peine 1,6 % avaient de l'anémie ferriprive.

C'est d'ailleurs une une faille de cette étude: le petit nombre de sujet avec une carence en fer (144 bébés) ou de l'anémie (23 bébés). En particulier pour ce qui est de l'anémie, cela représente un très petit échantillon. En recherche, plus un échantillon est petit moins les résultats obtenus sont fiables.

Enfin, les chercheurs n'ont pas du tout évalué l'alimentation des bébés étudiés. Pourtant, la faible consommation d'aliments riches en fer est un facteur important pouvant expliquer une carence chez un bébé. Les recommandations actuelles sont d'ailleurs de poursuivre l'allaitement après 6 mois tout en introduisant des aliments riches en fer. Pour déterminer si la durée de l'allaitement a vraiment un rôle à jouer sur les réserves de fer, il faudrait donc en tenir compte.

En conclusion, il est encore trop tôt pour déterminer avec certitude si la durée de l'allaitement peut affecter le statut en fer d'un bébé. De plus, pour l'instant, les risques semblent assez faibles alors que les bénéfices de l'allaitement sont eux bien documentés. Par conséquent, les femmes qui le souhaitent ne devraient pas hésiter à allaiter leur enfant aussi longtemps qu'elles le désirent.

Il est important de noter qu'un des auteurs de l'étude a des liens financiers avec plusieurs compagnies pharmaceutiques, dont certaines qui commercialisent des suppléments de fer.

Référence:
Maguire JL, Salehi L, Birken CS, Carsley S, Mamdani M, Thorpe KE, Lebovic G, Khovratovich M, Parkin PC; TARGet Kids! collaboration. Association between total duration of breastfeeding and iron deficiency. Pediatrics. 2013 May;131(5):e1530-7. doi: 10.1542/peds.2012-2465. Epub 2013 Apr 15.

13 mai 2013

Question de la semaine: Certains laits ou produits laitiers sont-ils plus propices à l'intolérance au lactose?

Aujourd'hui, je réponds à la question d'Elise Vidal: "Est-ce que certains types de lait sont associés à un plus grand risque d'intolérance au lactose pour les enfants?"

L'intolérance au lactose est une condition caractérisée par un inconfort intestinal resssenti suite à la consommation d'un produit contenant du lactose, le sucre principal du lait. Les personnes qui en sont atteintes ne produisent pas assez de lactase, l'enzyme responsable de digérer le lactose dans l'intestin. Le lactose n'est donc pas digéré complètement et le surplus peut alors être fermenté par les bactéries de la flore intestinale. La présence de grande quantité de lactose dans l'intestin provoque aussi un flot d'eau vers celui-ci. C'est l'ensemble de ces facteurs qui causent de l'inconfort chez les individus affectés.

L'intolérance au lactose est très rare chez les bébés. En effet, l'activité de la lactase est élevée à la naissance pour permettre au bébé de digérer le lactose contenu dans le lait maternel. Au moment du sevrage et pendant l'enfance, la quantité de lactase va diminuer graduellement. Le phénomène a lieu habituellement entre 2 et 6 ans.

Au bout du compte, 70 à 100% des adultes à travers le monde deviendront intolérants au lactose, à l'exception des individus en provenance de l'Europe du Nord et de l'Europe central de même que leurs descendants habitant l'Amérique et l'Australie. Ces derniers tolèrent en effet beaucoup mieux le lactose. Par exemple, chez les Nord-Américains, seulement 15 % sont intolérants au lactose et 17 % dans le nord de la France (dans le sud, on parle plutôt de 65 %).

On sait que la quantité de lactose consommée est un facteur important pour le développement des symptômes. Par exemple, certaines personnes intolérantes peuvent tolérer 9 à 12 g de lactose, c'est-à-dire l'équivalent d'un verre de lait de vache de 200 ml.

Les laits fermentés, les yogourts de même que les produits laitiers auxquels on a ajouté des probiotiques sont associés à une diminution des symptômes d'intolérance au lactose. On croit que les bonnes bactéries se trouvant dans ces produits contiennent de la lactase qui peut être relâchée dans l'intestin et contribuer à digérer le surplus de lactose. Ces aliments ralentiraient aussi le voyage de la nourriture dans l'intestin ce qui laisserait plus de temps à la lactase pour digérer le lactose. Enfin, ils favoriseraient un bon environnement intestinal en modifiant, entre autres, son acidité.

Certaines personnes se demandent parfois si le lait pasteurisé est plus propice à déclencher une intolérance au lactose. Pour l'instant, les connaissances scientifiques sur le sujet ne semblent pas confirmer cette hypothèse. D'une part, la pasteurisation n'a pas d'effet sur la quantité ou la nature du lactose se trouvant dans le lait. Deuxièmement, le lait de vache cru ne contient pas de lactase qui pourrait favoriser la digestion. Enfin, il ne contient pas non plus suffisamment de probiotiques pour qu'on puisse remarquer les effets bénéfiques associés aux produits laitiers fermentés.

En conclusion, lors de l'introduction des produits laitiers chez un enfant, le type de lait de vache offert n'a pas d'impact particulier sur la tolérance au lactose. Quoiqu'il est plutôt rare qu'un jeune enfant soit affecté par cette condition, si c'est le cas, il faudrait donc se tourner vers un lait de vache spécialement traité qui ne contient pas de lactose, vers un lait végétal ou vers des produits laitiers fermentés.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le développement de l'enfant? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse. 

Références:
Macdonald LE, Brett J, Kelton D, Majowicz SE, Snedeker K, Sargeant JM.  A systematic review and meta-analysis of the effects of pasteurization on milk vitamins, and evidence for raw milk consumption and other health-related outcomes. J Food Prot. 2011 Nov;74(11):1814-32. doi: 10.4315/0362-028X.JFP-10-269.

de Vrese M, Stegelmann A, Richter B, Fenselau S, Laue C, Schrezenmeir J. (2001) Probiotics--compensation for lactase insufficiency. Am J Clin Nutr. 2001 Feb;73(2 Suppl):421S-429S.

U.S. Food and Drug Administration (2011) Raw Milk Misconceptions and Danger of Raw Milk Consumption. Consulté le 11 mai 2013 à l'adresse http://www.fda.gov/Food/FoodborneIllnessContaminants/BuyStoreServeSafeFood/ucm247991.htm

10 mai 2013

Maternage proximal et féminisme sont-ils compatibles?

Au grand dam de certaines féministes comme Elisabeth Badinter, pour ne nommer que celle-là, le maternage proximal est en vogue. Cette vision de l'éducation de l'enfant dont le but est de créer un attachement sécurisant avec celui-ci en augmentant la sensibilité à ses besoins et à ses signaux est en effet décrié par certains comme une approche non-féministe qui ferait reculer la situation de la femme. Cependant, est-ce vraiment le cas?

Des chercheurs de la Virginie ont voulu déterminer si les femmes féministes endossaient les pratiques derrière le maternage proximal. Pour ce faire, ils ont interrogés 431 femmes à l'aide d'un sondage en ligne. Par leurs réponses, ses femmes ont pu être réparties en quatre groupes: les mères féministes, les féministes sans enfant, les mères non-féministes et les femmes non-féministes sans enfants.

Lorsqu'on a demandé à ces femmes d'évaluer différentes pratiques spécifiques au maternage proximal (allaitement prolongé, co-dodo et portage), les femmes féministes étaient plus nombreuses à les soutenir que les femmes non-féministes. Au contraire, les femmes non-féministes favorisaient davantage les routines plus fermes pour les enfants.

Par ailleurs, les mères non-féministes étaient celles qui avaient le plus de préjugés par rapport au féminisme et au maternage proximal. Ces dernières croyaient en effet que les féministes ne seraient pas très intéressées par le maternage proximal vu le temps et l'effort nécessaire pour le pratiquer. Cette vision rejoint d'ailleurs le stéréotype courant de la féministe trop carriériste pour prendre soin de ses enfants.

Étrangement, les mères féministes elles-mêmes avaient des idées préconçues sur le sujet. Elles se décrivaient plutôt comme des féministes atypiques en raison de leur intérêt pour le maternage proximal.

Les résultats de cette étude semblent donc démontrer que les stéréotypes existant sur l'incompatibilité entre le maternage proximal et le féminisme ne sont pas représentatifs de la réalité. Ces données obligeront peut-être certaines personnes à admettre que pour certaines femmes la maternité n'est pas un obstacle à leur épanouissement et peut même y être essentiel.

Références:
Miriam Liss, Mindy J. Erchull. (2012) Feminism and Attachment Parenting: Attitudes, Stereotypes, and Misperceptions. Sex Roles; DOI: 10.1007/s11199-012-0173-z

Springer (2012, June 11). Are feminism and attachment parenting practices compatible?. ScienceDaily. Retrieved May 8, 2013, from http://www.sciencedaily.com­ /releases/2012/06/120611134241.htm

8 mai 2013

Un autre super pouvoir pour le lait maternel!

Le lait maternel regorge de molécules particulièrement efficaces mais dont la fonction n'est pas toujours bien comprise. Prenons le complexe HAMLET (pour Human Alpha-Lactalbumine Made Lethal to Tumor Cells ou alpha-lactalbumine humaine devenue mortelle pour les cellules tumorales). On savait que ce complexe composé d'alpha-lactalbumine et de deux acides gras pouvait, comme son nom l'indique, tuer les cellules cancéreuses. Cependant, ce n'est pas tout. Des chercheurs de Buffalo viennent de démontrer que le HAMLET pourrait être la substance nécessaire pour lutter contre la résistance aux antibiotiques.

Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline
L'étude révèle en effet que l'exposition au complexe HAMLET permet de rendre toutes les souches de la bactérie Staphylococcus aureus vulnérables à plusieurs antibiotiques dont la méthicilline, la vancomycine, l'érythromycine et la gentamycine. Ces résultats sont en soit très impressionnants puisque plusieurs des souches testées étaient connues pour leur résistance à certains de ces antibiotiques dont la méthicilline et la vancomycine.

Par ailleurs, même pour les souches déjà sensibles à ceux-ci, l'utilisation du complexe HAMLET permettait de diminuer la quantité nécessaire pour éliminer la bactérie. Par conséquent, les chercheurs croient que le complexe HAMLET pourrait contribuer à diminuer l'apparition des résistances aux antibiotiques et même renverser le processus chez les souches déjà résistantes.

Pour comprendre comment le HAMLET peut réussir ce tour de force, il faut d'abord savoir que certaines bactéries réussissent à résister aux antibiotiques grâce à un système de pompes insérées dans leur membrane. Grâce à celui-ci, elles parviennent donc à expulser l'antibiotique vers l'extérieur avant même qu'il n'ait eu le temps d'agir.

Les chercheurs croient que le complexe HAMLET permet d'augmenter la sensibilité aux antibiotiques en s'attaquant aux membranes des bactéries. En les déstabilisant, les pompes à antibiotiques deviendraient inefficaces et devant l'accumulation d'antibiotiques, les différentes souches de Staphylococcus aureus ne parviendraient plus à résister.

Cette découverte est très intéressante puisqu'elle ouvre la porte à de nouveaux traitements pour se débarrasser du tristement célèbre SARM (Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline). Ce microbe est en effet un problème important dans les hôpitaux puisque peu de traitements sont efficaces pour l'éliminer. Alors mesdames, lors de la prochaine tétée de votre bébé, pensez que vous produisez dans votre lait une substance qui pourrait bien être une solution à l'épineux problème de la résistance aux antibiotiques.

Référence:
Marks LR, Clementi EA, Hakansson AP (2013) Sensitization of Staphylococcus aureus to Methicillin and Other Antibiotics In Vitro and In Vivo in the Presence of HAMLET. PLoS ONE 8(5): e63158. doi:10.1371/journal.pone.0063158



6 mai 2013

Question de la semaine: Les mères fumeuses peuvent-elles allaiter?

Aujourd’hui, je réponds à la question de Claire Haubscur: "Je voudrais savoir quelles sont les conséquences pour le bébé d'une maman qui allaite et qui fume (hors de la présence de bébé, et en dehors de la maison)?"

Plusieurs mères se demandent s’il est possible d’allaiter même en étant fumeuse. En effet, certaines d'entre elles croient que le fait de fumer rend leur lait toxique et pourrait même provoquer la dépendance à la nicotine chez leur bébé. Cette croyance est, semble-t-il, répandue puisque 80 % des mères supposent qu’il ne faut pas fumer du tout lorsqu’on allaite.

Du côté des professionnels, on remarque que moins de 50 % des médecins disent aux mères qu’il est sécuritaire d’allaiter si elles sont fumeuses. En fait, la plupart d’entre eux vont recommander de sevrer le bébé et d’offrir des préparations commerciales pour nourrissons dans une telle situation. Toutefois, cette recommandation est-elle justifiée?

Il est vrai qu’on peut trouver de la nicotine dans le lait maternel des mères fumeuses. De plus, en raison des caractéristiques de celui-ci, cette substance a tendance à s'y concentrer. Par exemple, la concentration de nicotine est trois fois plus élevée dans le lait que dans le sang de la mère. Cette nicotine peut ensuite être détectée dans l’urine du bébé. Les bébés allaités par des mères fumeuses ont donc cinq fois plus de cette substance dans leur urine que les bébés nourris aux préparations commerciales.

Le tabagisme peut donc affecter l’allaitement. D’une part, la teneur en gras du lait des mères fumeuses est moindre que celle des non-fumeuses.  Certaines études indiqueraient également que le fait de fumer peut avoir un impact sur le réflexe d’éjection du lait de même que sur le volume de  lait produit et possiblement sur la gain de poids du bébé. Il faut toutefois savoir que ces résultats sont controversés et donc à considérer avec prudence.

Par ailleurs, le tabagisme peut aussi avoir des effets sur le bébé. Par exemple, il annule l’effet protecteur de l’allaitement sur la mort subite du nourrisson (MSN). En effet, les bébés allaités de mères fumeuses ont le même taux de MSN que les bébés nourris aux préparations commerciales. La nicotine dans le lait aurait aussi un impact sur le contrôle autonome du système cardiovasculaire. De plus, 40 % des enfants allaités par des fumeuses ont des coliques comparativement à 26 % des non-fumeuses. Cependant, le tabagisme ne semble pas avoir d’impact sur le développement moteur et mental du bébé.

Alors, est-ce que cela signifie que les femmes fumeuses ne devraient pas allaiter? Au contraire!

L’allaitement permet de diminuer plusieurs effets néfastes associés au tabagisme. Par exemple, l’allaitement diminue le risque d’infection, de maladies respiratoires, d’allergies respiratoires et d’asthme. Les bébés qui ne sont pas allaités ont en fait une fonction pulmonaire réduite à 10 ans.

On sait aussi que les bébés de mères fumeuses ont un plus bas taux d’antioxydants dans leur sang (ex.: vitamine A, C et E) s’ils sont nourris aux préparations commerciales mais pas s’ils sont allaités. Le même phénomène s'observe pour la fréquence des bronchiolites.

De plus, il existe certaines astuces pour diminuer l’exposition du bébé à la nicotine. Il est par exemple important de savoir que la quantité de nicotine se retrouvant dans le lait maternel dépend du nombre de cigarettes consommées par jour et du temps écoulé entre la dernière cigarette et une tétée.  Une mère peut donc diminuer le nombre de cigarette qu’elle consomme ou fumer immédiatement après la tétée. Bien sûr, il est préférable de fumer à l’extérieur pour diminuer l’exposition du bébé à la fumée du tabac.

Par conséquent, s’il n’est pas possible de convaincre une mère de cesser de fumer, il est alors primordial de l’encourager à allaiter.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le développement de l'enfant? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références:
Mohrbacher, N. (2010) Breastfeeding Answers Made Simple. Amarillo: Hale Publishing.

Riordan, J., & Wambach, K. (2010). Breastfeeding and Human Lactation (4th ed.). Sudbury: Jones and Bartlett.

Lawrence, R. A., & Lawrence, R.M. (2005). Breastfeeding: A Guide for the Medical Profession (6th ed.). Philadelphie : Elsevier Mosby.

Dahlström A, Ebersjö C, Lundell B. Nicotine in breast milk influences heart rate variability in the infant. Acta Paediatr. 2008 Aug;97(8):1075-9. doi: 10.1111/j.1651-2227.2008.00785.x. Epub 2008 May 22.

Dorea JG. Maternal smoking and infant feeding: breastfeeding is better and safer. Matern Child Health J. 2007 May;11(3):287-91. Epub 2007 Jan 17.

3 mai 2013

Les campagnes contre le partage de lit se trompent-elles de cible?

En 2011, la ville de Milwaukee a lancé une campagne controversée contre le partage de lit qui montrait un bébé dormant avec un couteau de boucherie. "Dormir avec votre bébé pourrait être aussi dangereux" pouvait-on lire sur l'affiche. (Voir l'image) Devant de telles images, les gens voient de plus en plus le partage de lit comme un comportement non-sécuritaire. C'est pour cette raison que des chercheurs de l'Université Murdoch en Australie exhortent les organismes de santé publique à revoir leur attitude face au partage de lit.

Campagne contre le partage de lit
Selon Catherine Fetherston, professeure associée à l'Université Murdoch, les recommandations condamnant le partage de lit ne sont pas basées sur de réelles preuves scientifiques et vont à l'encontre des besoins des bébés. En fait, Mme Fetherston va jusqu'à dire qu'il n'y a pas d'études démontrant un risque inhérent au partage de lit.

Selon elle, les études analysant cet arrangement de sommeil ont la fâcheuse habitude de mettre tous les types de co-dodo ensemble sans faire la différence entre le partage de lit, le partage du sofa ou le partage du fauteuil. Pourtant, il est bien connu que le partage de sofa ou de fauteuil est nettement plus dangereux que le partage de lit puisque, dans les deux premiers cas, le bébé peut facilement se retrouver coincé.

De plus, ces études ne tiennent pas comptes des autres facteurs de risques connus pour la mort subite du nourrisson. Parmi ces facteurs, on retrouve un environnement de sommeil non-sécuritaire (trop de couvertures, d'oreillers, etc.), le fait de dormir avec un enfant plus vieux ou un animal domestique, le tabagisme des parents, la consommation d'alcool ou de drogues par les parents et l'enfant dormant sur le ventre.

D'ailleurs, une étude réalisée en Alaska et publiée en 2009 démontrait que 99 % des décès lors du partage de lit impliquait une mère fumeuse ou sous l'influence d'alcool ou de drogues. En tenant compte des facteurs de risques et en départageant les différents types de co-dodo, les risques de mort subite du nouveau-né seraient en fait moindres pour le partage de lit.

Cela s'explique en partie par le fait que le partage de lit favorise l'allaitement qui à son tour aide à maintenir la température du bébé plus stable, de même que son rythme cardiaque. Les bébés allaités ont aussi une meilleure oxygénation et moins de pauses de la respiration. L'allaitement est même considéré comme un facteur de protection contre la mort subite du nourrisson.

Pour cette raison, Mme Fetherston croit qu'au lieu de proscrire le partage de lit, la santé publique devrait plutôt mettre le focus sur la réduction des vrais risques associés à la mort subite du nourrisson comme le tabagisme et la consommation d'alcool et de drogues lors du partage de lit. De cette façon, on pourrait s'assurer que les familles qui choisissent ce type d'arrangement de sommeil le font de façon sécuritaire.

Pour en savoir plus sur le partage de lit:
Les risques du partage du lit ou pourquoi il faut lire attentivement les nouvelles études
Le partage du lit pourrait protéger contre l'obésité
Espagne: Le Ministère de la santé et de la politique sociale recommande le cododo dès la naissance
Partage du sommeil sur un lit ou un sofa: Deux situations distinctes
Nouvelle capsule vidéo: Sécurité et partage du lit


Références:
Murdoch University. (2013) New recommendations in bedsharing debate. Consulté le 1er mai 2013 à l'adresse http://media.murdoch.edu.au/new-recommendations-in-bedsharing-debate

Fetherston CM, Leach JS. (2012) Analysis of the ethical issues in the breastfeeding and bedsharing debate. Breastfeed Rev. 20(3):7-17.

Blabey MH, Gessner BD. (2009) Infant bed-sharing practices and associated risk factors among births and infant deaths in Alaska. Public Health Rep. 124(4):527-34.

1 mai 2013

Misez sur le placenta!

Qui ne s'est jamais amusé à prédire le poids d'un futur bébé avant sa naissance? Pour augmenter vos chances de miser sur le bon poids, sachez que le principal déterminant de la croissance du foetus est tout simplement l'indice de masse corporelle (IMC) de sa mère. Cependant, puisque cette mesure n'est rien de plus qu'un rapport entre la taille et le poids d'une personne, on comprend encore mal le lien entre celui-ci et la croissance du bébé. Des chercheurs de la Norvège croient cependant avoir trouvé l'intermédiaire qui en serait responsable: le placenta.

L'analyse de 207 dyades mère-bébé a en effet révélé que l'IMC de la mère affecte le pourcentage de gras du bébé, une indication de la croissance du foetus. Cependant, les chercheurs ont remarqué que ce lien disparaissait si on tenait compte du poids du placenta. Ils ont aussi remarqué qu'un IMC plus élevé était associé à un placenta plus gros.

Le fait que l'IMC n'ait pas d'impact sur le pourcentage de graisse du bébé lorsqu'on tient compte du poids du placenta laisse supposer que les variations de l'IMC affectent directement la croissance du placenta et que c'est ensuite celui-ci qui dirigera  l'accumulation de gras du bébé.

On sait en effet que trois facteurs influencent la croissance du foetus: sa génétique, l'apport en nutriments provenant de la mère et la capacité du placenta à transférer les nutriments. Puisque l'IMC permet d'estimer la teneur en gras d'une personne et qu'il est souvent associé à la quantité de glucose dans le sang, son augmentation modifie bien sûr l'apport en nutriments.

Cependant, ce que cette étude semble démontrer, c'est que la grosseur du placenta varierait aussi en fonction de l'IMC. Cela s'expliquerait par le fait qu'une augmentation de l'IMC serait  accompagnée de changement hormonaux modifiant l'environnement maternel. Ces changements seraient détectés par le placenta qui adapterait alors sa croissance en conséquence. Le transfert des nutriments vers le bébé en serait ensuite affecté.

Lorsqu'on sait qu'il existe une association entre les caractéristiques du bébé à la naissance et la santé à l'âge adulte, une meilleure compréhension des facteurs contrôlant le poids de naissance du bébé est primordiale. D'autant plus qu'un poids de naissance élevé peut aussi entraîner des complications à l'accouchement.

En conclusion, la prochaine fois qu'on vous demandera de deviner la grosseur d'un futur bébé, demandez le poids du placenta!

Pour en savoir plus sur le rôle du placenta:
À quoi sert la prise de poids pendant le premier trimestre de la grossesse?
Génomique du placenta 101

Référence:
Friis CM, Qvigstad E, Paasche Roland MC, Godang K, Voldner N, Bollerslev J, Henriksen T. Newborn body fat: associations with maternal metabolic state and placental size. PLoS One. 2013;8(2):e57467. doi: 10.1371/journal.pone.0057467. Epub 2013 Feb 27.