2 juin 2014

Le peau-à-peau : un système de climatisation nouveau genre?

Aujourd'hui, j'aborde un sujet de Marie-Mousse Laroche : « On parle beaucoup des bienfaits du peau-à-peau pour les prématurés et pour favoriser l'allaitement. Mais j'ai aussi déjà entendu que le peau-à-peau serait recommandé pour faire baisser la fièvre chez les bébés. »

Après avoir passé 9 mois bien au chaud dans une mer digne des Tropiques, vous voilà expulsé dans un monde froid et sec. Quelle sera votre première préoccupation à votre arrivée? Si vous êtes comme la majorité des nouveau-nés, ce sera de conserver votre chaleur.

Le problème : Trop de perte, pas assez de production
Les bébés sont en effet placés dans une situation difficile au moment de leur naissance : ils perdent de la chaleur plus rapidement qu'ils en produisent. En absence d'intervention, leur température peut diminuer de 0,2 à 1°C par minute, principalement à cause de l'évaporation du  liquide amniotique qui les recouvre encore.

De plus, les nouveau-nés ont une plus grande surface de peau par rapport à leur poids que les adultes. Cela laisse donc plus de place à la chaleur pour s'échapper. Ensuite, ils possèdent moins de gras sous la peau et sont ainsi moins bien isolés. Enfin, leur peau permet à l'eau de s'évaporer plus facilement.

Heureusement, cette perte de chaleur est rapidement identifiée par les récepteurs du froid qui se trouvent sur la peau, dans la moelle épinière et dans l'hypothalamus. Cette région du cerveau n'est ni plus ni moins que le thermostat du corps humain. Lorsqu'il détecte que le corps n'est pas à la bonne température, il active le système nerveux sympathique pour remédier à la situation. Plusieurs stratégies sont alors mises en place pour produire de la chaleur, quoiqu'elles ne soient pas toujours au point chez le nouveau-né. 
  • Le métabolisme : Le fonctionnement normal des organes libère de la chaleur. En augmentant leur activité, il est possible d'en générer davantage. Les nouveau-nés peuvent d'ailleurs multiplier leur métabolisme par 2 à 3 fois.
  • Les mécanismes physiques involontaires comme les frissons : Il s'agit du mécanisme le plus important chez l'adulte. Le nouveau-né l'utilise toutefois moins souvent et le déclenche beaucoup plus tard.
  • L'activité musculaire volontaire : Cette stratégie est employée à l'occasion chez le bébé. Celui-ci est alors agité, hyperactif ou il pleure. En changeant de position, il peut aussi fléchir son corps et mieux conserver sa chaleur.
  • L'utilisation des tissus graisseux bruns : C'est la principale source de chaleur chez les bébés. Ces tissus possèdent des enzymes particulières qui permettent de libérer davantage de chaleur à partir du gras. Ce mécanisme est toutefois immature chez les prématurés.
Par conséquent, selon l'état du bébé, ces mécanismes ne produisent pas toujours suffisamment de chaleur pour maintenir une température stable.

La solution : un système de chauffage naturel
La nature a toutefois pensé à tout. Chez nos ancêtres, le premier réflexe d'une mère après l'accouchement était probablement de déposer son bébé contre elle, sur sa poitrine. Des millénaires plus tard, la science démontre enfin que cette méthode, le peau-à-peau, est plus efficace que tous les incubateurs modernes.

Les scientifiques ont en effet observé que la température des seins d'une nouvelle mère s'élève immédiatement après la naissance. Ils ont même remarqué une association positive entre la température des seins et celle du talon du bébé. Cela signifie que la chaleur de la mère se transfère vers le bébé lorsqu'ils sont en contact.

En fait, lorsque le bébé est déposé sur sa mère, la température du sein augmente de 0,5°C en 2 minutes. Les scientifiques supposent que ce contact tactile permet au corps de la mère de s'adapter pour réchauffer son bébé. Il stimulerait en effet les nerfs du système nerveux autonome ce qui provoquerait la dilatation des petits vaisseaux sanguins à la surface de la peau maternelle, libérant ainsi de la chaleur.

Le peau-à-peau et la fièvre?
Étant donné le lien très fort entre la température de la mère et celle de son bébé lors du peau-à-peau, certaines personnes croient que le peau-à-peau pourrait être utilisé pour réduire la fièvre. À ce jour, aucune donnée scientifique ne confirme toutefois cette hypothèse.

La fièvre est un phénomène très particulier. Chez un bébé qui vient au monde, l'hypothalamus cherche à amener le corps à une température normale. Cependant, quand un enfant fait de la fièvre, le thermostat qu'est l'hypothalamus est déréglé. En effet, lors d'une infection, des cellules du système immunitaire libèrent des substances chimiques appelées pyrogènes. Celles-ci se rendent jusqu'à l'hypothalamus pour changer le réglage et augmenter la température voulue du corps. L'hypothalamus déclenche alors plusieurs mécanismes pour faire monter la température comme la contraction des vaisseaux sanguins à la surface de la peau et les frissons.

En fait, la température ne redeviendra à la normale que si on règle à nouveau l'hypothalamus à la bonne température. Cela peut se faire lorsque l'infection cesse ou avec certains médicaments. C'est alors que s'amorcent la transpiration et la dilatation des vaisseaux sanguins pour refroidir le corps.

Dans ces conditions, il est difficile d'imaginer que le peau-à-peau pourrait faire baisser la fièvre. En effet, le corps de l'enfant continuera à tout faire pour garder sa température élevée. Bien sûr, le peau-à-peau peut cependant apporter un certain réconfort à l'enfant malade.

Le cas particulier de la fièvre illustre bien la complexité du réglage de la température corporelle. Cette problématique est d'autant plus importante qu'une température adéquate est essentielle au bon fonctionnement des organes, des enzymes et des hormones.

Références:
Bergström A, Okong P, Ransjö-Arvidson AB. (2007) Immediate maternal thermal response to skin-to-skin care of newborn. Acta Paediatr. 96(5):655-8.

Blackburn, S. T. (2012) Maternal, Fetal, & Neonatal Physiology: A Clinical Perspective. Maryland: Elsevier.

Bystrova K, Matthiesen AS, Vorontsov I, Widström AM, Ransjö-Arvidson AB, Uvnäs-Moberg K. (2007) Maternal axillar and breast temperature after giving birth: effects of delivery ward practices and relation to infant temperature. Birth. 34(4):291-300.

Marieb, Elaine N. (2008) Biologie humaine, 2éd., Montréal : Éditions du Renouveau Pédagogique.