30 janvier 2013

L'allaitement n'augmente pas les risques de transmission de l'hépatite B

Bien que l'Organisation mondiale de la santé insiste sur le fait que l'infection chronique d'une mère avec le virus de l'hépatite B (HBV) ne constitue par une contre-indication à l'allaitement, certaines personnes s'inquiètent tout de même de la transmission de ce virus à l'enfant pendant l'allaitement. Cependant, une étude menée par des chercheurs chinois démontre que ces inquiétudes ne sont pas fondées.

Virus de l'hépatite B
En effet, ces derniers sont arrivés à cette conclusion en comparant le taux d'infection  par le HBV en fonction du mode d'alimentation chez des enfants dont la mère était infectée par ce virus. Au total, 546 enfants âgés entre 1 et 7 ans ont été étudiés. Notons également que pour 25,1% de ces enfants, la mère était aussi HBeAg positive, c'est à dire qu'elle était considérée comme hautement contagieuse.

Les enfants ont ensuite été répartis en deux groupes selon leur mode d'alimentation. Le groupe "alimentation artificielle" regroupaient les enfant ayant reçu exclusivement des laits artificiels et les enfants du groupe "allaitement maternel" avaient été allaités au moins 2 semaines.

Les chercheurs ont d'abord remarqué que 72,7% des enfants se retrouvaient dans le groupe allaitement maternel et que 27,3% étaient plutôt dans le groupe alimentation artificielle. Toutefois, les mères HBeAg positives (ou hautement contagieuses) étaient moins nombreuses dans  le groupe allaitement maternel.

Sur les 546 enfants étudiés, 2,4% ont développé une infection chronique au virus de l'hépatite B. Notons que tous ces enfants étaient nés d'une mère HBeAg positive. Dans le groupe "allaitement maternel", 1,5 % des enfants étaient porteurs du virus alors qu'on parle de 4,7% dans le groupe "alimentation artificielle". À première vue, il semblerait que l'allaitement aurait un effet protecteur. Toutefois, selon les auteurs, cela s'expliquerait par le fait que le groupe "allaitement maternel" comportait moins de mères HBeAg positives.

Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs ont donc restreint leur analyse aux enfants nés de mères HBeAg positives. Ils ont alors remarqué en effet que, dans ce cas, il n'y avait pas de différences au niveau du taux d'infection entre les deux types d'alimentation. On peut donc conclure que l'allaitement n'est pas un facteur de risque de transmission mère-enfant du HBV.

On sait que des traces de HBV peuvent se retrouver dans le lait maternel de même que dans les lésions aux mamelons (gerçures et crevasses) des mères infectées. C'est probablement pour cette raison que plusieurs professionnels ont encore des réserves à encourager ces mères à allaiter. De plus, le fait que 70 à 90 % des infections périnatales deviennent chroniques ne contribuent certainement pas à rendre les professionnels plus à l'aise avec cela.

Cependant, les résultats de l'étude dont il est question aujourd'hui fournissent une preuve de plus qu'il est sécuritaire pour une mère infectée par le HBV d'allaiter son enfant. Ainsi, selon les chercheurs, les efforts de la communauté médicale devrait plutôt s'orienter vers la vaccination préventive des bébés de mères porteuses du HBV, une mesure qui semble jouer un rôle beaucoup plus important que le type d'alimentation.

Référence:
Xiangru Chen, Jie Chen, Jian Wen, Chenyu Xu, Shu Zhang, Yi-Hua Zhou, Yali Hu (2012) Breastfeeding Is Not a Risk Factor for Mother-to-Child Transmission of Hepatitis B Virus. Research Article | published 28 Jan 2013 | PLOS ONE 10.1371/journal.pone.0055303

28 janvier 2013

Question de la semaine: Peut-on boire du jus de pamplemousse si on prend de la dompéridone?

Aujourd'hui, je réponds à la question de Karine Murphy: "J’ai lu un article à propos des interactions possibles entre certains médicaments et le jus de pamplemousse. Je suis restée songeuse en voyant la dompéridone parmi ces médicaments. Est-ce que cela pourrait toucher les mamans qui l’utilisent en relation avec l’allaitement?"

Selon un document rédigé par la Clinique d'allaitement Goldfarb de l'Hôpital général juif de Montréal, le "pamplemousse et son jus (et peut-être l’extrait de pépins de pamplemousse)" pourrait interagir avec la dompéridone, un médicament utilisé entre autres pour stimuler la production de lait chez les mères allaitantes.

Cette information est en accord avec une étude réalisée en 2007 et démontrant que, chez le rat, la consommation de jus de pamplemousse faisait augmenter la concentration maximale de dompéridone se trouvant dans le sang. En d'autres termes, la consommation de jus de pamplemousse pendant un traitement de dompéridone aurait pour effet d'augmenter la dose réelle que la patiente reçoit et donc, les risques d'effets secondaires et de toxicité.

Pour comprendre ce phénomène, il faut se rappeler que lorsqu'on consomme un médicament, notre corps se met immédiatement au travail pour nous en débarrasser puisqu'il croit qu'il s'agit d'un produit toxique. Les médecins, lorsqu'ils prescrivent un dosage particulier, prennent d'ailleurs en considération cette élimination du produit pour s'assurer que la patiente reçoit une dose suffisante.

Cette élimination des médicaments se fait par l'entremise de plusieurs mécanismes différents. Toutefois, dans le cas de l'interaction entre le jus de pamplemousse et la dompéridone, deux d'entre eux nous intéressent plus particulièrement: l'enzyme CYP3A du cytochrome P450 et la glycoprotéine-P.

L'enzyme CYP3A du cytochrome P450 est une enzyme se retrouvant dans les cellules du foie et de l'intestin. Le rôle de celle-ci est de détruire les médicaments pour les rendre inoffensifs. On estime que 50% des médicaments sont dégradés par CYP3A. Cependant, dans le jus de pamplemousse, on retrouve un composé rendant cette enzyme inefficace de façon irréversible. Le corps doit donc en produire à nouveau, ce qui peut prendre plusieurs heures. Ainsi, suite à la consommation de jus de pamplemousse, certains médicaments s'accumulent dans le sang de la patiente. Notons cependant que seules les enzymes de l'intestin sont affectées par le jus de pamplemousse. Par conséquent, seuls les médicaments pris sous forme orale (comme la dompéridone) seront affectés alors que ceux pris par intraveineuse pourront être dégradés par les enzymes CYP3A du foie.

Pour ce qui est de la glycoprotéine-P, cette protéine est une sorte de pompe permettant d'expulser les médicaments hors du système pour les renvoyer vers l'intestin où ils seront alors expulsés hors du corps. Lorsqu'on consomme du jus de pamplemousse, certaines composantes de celui-ci empêche cette pompe de fonctionner. Encore là, cela signifie que le médicament ne sera pas évacué comme il le devrait et que la concentration sanguine augmentera.

En conclusion, en bloquant l'enzyme CYP3A et la glycoprotéine-P, le jus de pamplemousse empêche le corps de se débarrasser de la dompéridone ce qui pourrait mener à des concentrations trop élevées de ce médicament dans le sang de la mère qui en consomme. Pour éviter les effets secondaires, il est donc préférable de ne pas boire le jus de ce fruit pendant le temps que le traitement durera.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références:
Hanley MJ, Cancalon P, Widmer WW, Greenblatt DJ. (2011) The effect of grapefruit juice on drug disposition. Expert Opin Drug Metab Toxicol. 7(3):267-86.

Centre de médecine familiale Herzl, Clinique d’allaitement Goldfarb. (2010) Dompéridone Document à l’intention des patients. Consulté le 26 janvier 2011 à l'adresse http://jgh.ca/documents/95/domp%C3%A9ridone%20info%20FINAL.pdf 

Bamburowicz-Klimkowska M, Zywiec K, Potentas A, Szutowski M.  (2007) Impact of the changes in P-glycoprotein activity on domperidone pharmacokinetics in rat plasma. Pharmacol Rep. 59(6):752-6.






25 janvier 2013

Une hémorragie post-partum ne diminue pas les chances d'avoir un autre enfant

Vivre une hémorragie post-partum peut être un évènement traumatisant pour une femme suite à un accouchement. Cela peut aussi être accompagné d'inquiétudes par rapport à la possibilité d'avoir un autre enfant. Les femmes ayant vécu ce malheureux incident peuvent toutefois se rassurer. Selon une étude écossaise parue dans le International Journal of Obstetrics and Gynaecology, l'hémorragie post-partum ne diminuerait pas les chances de vivre une deuxième grossesse.

C'est en effet ce que l'étude de 34 334 femmes ayant accouché entre 1986 et 2005 a révélé. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont divisé les femmes en deux groupes selon qu'elles avaient vécu ou non une hémorragie post-partum. Selon les chercheurs, 10 % des femmes se retrouvaient dans le premier groupe.

Cette comparaison a permis de constater qu'il n'y avait pas de différences entre les deux groupes en ce qui concerne l'intervalle entre les deux grossesses. De plus, les femmes qui avaient vécu une hémorragie avaient autant de chances de mener la seconde grossesse à terme. Elles avaient par contre 2,9 fois plus de chance de vivre une hémorragie post-partum lors de cette deuxième grossesse que le groupe contrôle.

Il faut toutefois noter que les femmes dont l'hémorragie avait eu lieu suite à une césarienne étaient plus nombreuses à ne pas concevoir un autre enfant en comparaison avec les femmes qui avaient accouché par césarienne mais qui n'avaient pas perdu de sang de façon importante.

On observe présentement au Royaume-Uni une augmentation de la fréquence des hémorragies post-partum. Selon les chercheurs, cette augmentation serait attribuable à une hausse des facteurs de risques maternels comme l'âge avancée de la mère, un indice de masse corporelle élevé ou le tabagisme. L'augmentation du nombre de césariennes serait aussi responsable en partie de ce phénomène. Dans ce contexte, les résultats de cette étude revêtent donc une importance particulière pour un grand nombre de femmes.

Selon l'un des chercheurs principaux de l'étude, les femmes ayant vécu une hémorragie post-partum ne devraient donc pas s'inquiéter sur leur capacité à concevoir un nouvel enfant. Toutefois, celui-ci soulève quand même le besoin de faire davantage d'études sur le sujet pour expliquer l'impact du type d'accouchement sur la fertilité des femmes ayant connu ce genre de complications.

Références:
Fullerton G, Danielian P, Bhattacharya S. (2013) Outcomes of pregnancy following postpartum haemorrhage. BJOG 2013; DOI: 10.1111/1471-0528.12120.

International Journal of Obstetrics and Gynaecology. (2013) BJOG release: Postpartum haemorrhage during first pregnancy doesn't affect future pregnancies. Consulté le 24 janvier 2013 à l'adresse: http://www.bjog.org/details/news/4281141/BJOG_release_Postpartum_haemorrhage_during_first_pregnancy_doesnt_affect_future_.html

23 janvier 2013

Les suppléments prénataux et la dépression post-partum

On recommande de plus en plus aux femmes de consommer des suppléments nutritionnels pendant leur grossesse. En effet, plusieurs d'études reconnaitraient leurs bénéfices pour l'enfant à naître. On sait toutefois peu de choses sur l'impact que cela pourrait avoir sur la mère. Des chercheurs de l'Alberta ont donc voulu déterminer si la prise de suppléments pendant la grossesse pourrait diminuer les risques de dépression post-partum.

L'équipe a suivi 475 femmes enceintes pendant et après leur grossesse. À plusieurs occasions, on a demandé à ces mères si elles prenaient des suppléments alimentaires et, si oui, de quels types. On a également fait passer aux mères un bref questionnaire pour évaluer si elles étaient dépressives. Pour les besoins de l'étude, les chercheurs se sont concentrés uniquement sur les suppléments de vitamines, de minéraux et d'acides gras.

L'analyse statistique a donc révélé que la plupart des suppléments n'avaient pas d'impact significatif sur la dépression post-partum. En fait, seul le sélénium semblait important puisque les femmes qui n'en avaient pas consommé dans leurs suppléments prénataux avaient une fréquence de dépression plus élevée. Selon les chercheurs, leur étude ne serait pas la première à faire un lien entre la dépression et les taux de sélénium. Toutefois, on ne comprend pas encore bien le mécanisme qui pourrait expliquer cet effet.

À la lumière de ces résultats, les chercheurs croient qu'il serait important d'étudier plus à fond l'importance des suppléments pendant la grossesse, en particulier celle du sélénium. 

Cependant, il faut souligner que plusieurs points faibles diminuent la portée de cette étude. D'une part, il y a le fait que les données recueillies sur la prise de suppléments proviennent des mères. Il pourrait en effet y avoir des différences entre les dires des mères et la prise réelle de suppléments. D'autre part, l'étude ne contient pas de données sur les niveaux sanguins de sélénium chez ces mères. On peut donc se demander si la prise de sélénium a vraiment un effet sur les quantités disponibles chez la mère.

Enfin, et c'est selon moi la plus grosse lacune, l'étude ne fournit aucune information sur l'alimentation des mères. Il me semble en effet étrange d'étudier l'impact d'une carence en nutriments sans prendre soin d'évaluer les choix alimentaires des sujets. De plus, n'est-il pas inquiétant de voir qu'une majorité de femmes ne trouve pas dans son alimentation tous les nutriments nécessaires pour vivre une grossesse en santé? Que cela nous apprend-il sur nos habitudes alimentaires?

Comment expliquer qu'on suggère de plus en plus aux femmes de prendre toutes sortes de suppléments alimentaires mais qu'on passe si peu de temps à les aider à améliorer leur alimentation? Ce serait pourtant un apprentissage qui leur servirait toute leur vie et qui profiterait aussi à leurs enfants. Devant cette étude, je ne peux m'empêcher de penser qu'il serait peut-être temps de revoir nos façons de faire lorsque vient le temps de guider une femme dans ses choix nutritionnels.

Référence:
Leung BM, Kaplan BJ, Field CJ, Tough S, Eliasziw M, Gomez MF, McCargar LJ, Gagnon L. (2013) Prenatal micronutrient supplementation and postpartum depressive symptoms in a pregnancy cohort. BMC Pregnancy Childbirth.16;13(1):2. [Epub ahead of print]

21 janvier 2013

Question de la semaine: Les massages sont-ils bénéfiques pour le nouveau-né?

Cette semaine, je réponds à la question de Noulia-Saunia Osvalt : "Ma soeur vient de m'offrir une séance de massage pour mon bébé, et la dame qui m'a montré comment masser mon fils m'a dit que beaucoup d'études scientifiques commencent à montrer que les massages sont bon pour la santé et l'éveil des bébés. Quelles sont ces études?"

Le massage du nouveau-né est une pratique traditionnelle dans plusieurs régions du monde comme en Inde, au Bangladesh, au Népal, en Afrique et dans certaines sociétés du Pacifique Sud. Par exemple, au Népal, 89,5% des femmes massent leur bébé. Le massage est souvent initié dans les 12 heures suivant la naissance par une grand-mère ou une aînée.

En Occident, le massage du nouveau-né commence tout juste à gagner en popularité. Les études démontrent en effet de plus en plus que le massage aurait des effets bénéfiques pour le bébé.

Par exemple, certaines études ont noté une association entre les massages et un meilleur gain de poids. Cette approche favoriserait aussi le développement des os et une meilleure régulation de la respiration. Elle pourrait également aider le bébé à maintenir sa température. De plus, en augmentant le nombre de selles dans les premiers jours suivants la naissance, cette technique diminuerait l'incidence de la jaunisse.

Du point de vue du développement, le massage du nouveau-né stimulerait les aspects neurologique et neuromoteur. Par exemple, une étude de 2009 démontrait que le fait d'être massé accélérait la maturation de l'activité du cerveau et des fonctions visuelles du nouveau-né.

Le massage aurait également des impacts sur le comportement du bébé. Les bébés massés sont plus alertes et passent moins de temps endormi. En fait, ils sont plus actifs le jour et ont un meilleur sommeil la nuit. Ils sont également moins irritables et pleurent moins. On suppose donc que les massages pourraient diminuer la fréquence et l'intensité des coliques.

Enfin, le massage pourrait aussi être bénéfique au développement du lien entre les parents et l'enfant. Du côté de la mère, cette approche améliorerait l'interaction entre celle-ci et son bébé. Du côté du père, le massage permettrait de diminuer significativement le stress paternel.

Par ailleurs, les massages ont très peu de désavantages. Notons toutefois que, chez les prématurés, cette technique pourrait théoriquement augmenter le risque d'infection. Certains bébés pourraient aussi réagir à l'huile utilisée pour faire le massage. Enfin, les massages sont contre-indiqués pour les prématurés dont l'état n'est pas encore stabilisé, les bébés souffrants de problèmes cardiaques et en présence de lésion de la peau.

Les mécanismes possibles
Pour l'instant deux hypothèses existent pour expliquer les effets bénéfiques du massage.

Premièrement, certains experts croient que les massages augmenteraient l'activité du nerf vague, un nerf impliqué entre autres au niveau de la digestion et de la fréquence cardiaque. Cela aurait donc pour effet d'augmenter l'activité du système digestif et de favoriser ainsi une meilleure absorption des nutriments. C'est d'ailleurs de cette façon que les massages pourraient améliorer le gain de poids.

La deuxième hypothèse repose sur la régulation du stress. On croit que l'effet apaisant des massages diminuerait l'activité du système de réponse au stress, le système nerveux sympathique, ce qui entraînerait une réduction des taux d'hormones de stress comme le cortisol et la noradrénaline. Ce serait alors le système nerveux parasympathique, responsable de la maintenance et du développement du corps, qui prendrait le contrôle. Ultimement, cela favoriserait donc la croissance du bébé et le bon fonctionnement de son système immunitaire.

En conclusion, la recherche semble en effet démontrer que les massages sont bénéfiques pour les nouveau-nés et qu'ils comportent très peu de risques. Ils sont également profitables pour les parents puisqu'ils favorisent la création du lien parent-enfant. Il s'agit donc d'une technique qui mériterait d'être plus connue.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse
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Références:
Kulkarni A, Kaushik JS, Gupta P, Sharma H, Agrawal RK. (2010) Massage and touch therapy in neonates: the current evidence. Indian Pediatr. 47(9):771-6.

Beider S, Mahrer NE, Gold JI. (2007) Pediatric massage therapy: an overview for clinicians. Pediatr Clin North Am. 54(6):1025-41; xii-xiii.


Chen J, Sadakata M, Ishida M, Sekizuka N, Sayama M. (2011) Baby massage ameliorates neonatal jaundice in full-term newborn infants. Tohoku J Exp Med. 223(2):97-102.

Guzzetta A, Baldini S, Bancale A, Baroncelli L, Ciucci F, Ghirri P, Putignano E, Sale A, Viegi A, Berardi N, Boldrini A, Cioni G, Maffei L. (2009) Massage accelerates brain development and the maturation of visual function. J Neurosci.29(18):6042-51.

Cheng CD, Volk AA, Marini ZA. (2011) Supporting fathering through infant massage. J Perinat Educ. 20(4):200-9.



18 janvier 2013

L'effet du lactose sur le système immunitaire du bébé

Les propriétés immunologiques du lait maternel ne sont plus remises en doute depuis longtemps. Toutefois, les mécanismes les expliquant ne sont pas encore complètement compris. Heureusement, une équipe de chercheurs de la Suède, du Japon et de l'Islande a récemment identifié un nouveau facteur pouvant stimuler le système immunitaire de l'enfant: le lactose.

Une molécule de lactose
En effet, ces chercheurs ont d'abord remarqué que le lait maternel stimulait la production d'une petite molécule appelée AMP par les cellules épithéliales de même que par les macrophages (cellules du système immunitaire dont le rôle est d'ingérer les débris cellulaires et les microorganismes étrangers). Cet effet était également plus marqué pour le lait mature que pour le colostrum.

Les chercheurs ont alors testé différentes fractions de lait et on ainsi pu déterminer que la composante responsable de cet effet était le lactose. Cette découverte est cohérente avec le fait que le colostrum soit moins efficace que le lait mature pour stimuler la production d'AMP. En effet, le colostrum contient moins de lactose que le lait mature. Par ailleurs, il semblerait que d'autres sucres pourraient avoir un effet semblable.

Les AMP sont des molécules essentielles à la fois pour combattre les infections mais aussi pour favoriser l'établissement d'une bonne flore intestinale. En stimulant les cellules de l'enfant à produire un type d'AMP, le lait maternel jouerait donc un rôle à ces deux niveaux. Par conséquent, cette découverte mettrait en lumière une des raisons expliquant l'impact du lait maternel sur le type de bactéries présentes dans l'intestin du nouveau-né.

Cette étude permet donc d'identifier une nouvelle fonction pour le lactose du lait maternel. Cependant, il reste encore bien des choses à éclaircir. Par exemple, on sait que le lactose est digéré en glucose et en galactose dans l'intestin. Pourtant, une molécule doit être intacte pour exercer ses fonctions. Est-il possible qu'une portion du lactose agisse avant d'être digéré? Est-ce que la combinaison du glucose et du galactose pourrait jouer le même rôle?

Les résultats rapportés ici sont un bon exemple du processus de recherche. En effet, même si les journalistes scientifiques décrivent souvent le travail des chercheurs comme un cheminement linéaire faisant avancer inexorablement nos connaissances, chaque découverte amène souvent plus de questions que de réponses et nous obligent à reconsidérer les certitudes que nous avions sur un sujet.

Référence:
Cederlund A, Kai-Larsen Y, Printz G, Yoshio H, Alvelius G, et al. (2013) Lactose in Human Breast Milk an Inducer of Innate Immunity with Implications for a Role in Intestinal Homeostasis. PLoS ONE 8(1): e53876. doi:10.1371/journal.pone.0053876

16 janvier 2013

L'utilisation des probiotiques pour prévenir les complications pendant la grossesse

Les effets bénéfiques de l'utilisation des probiotiques pendant la grossesse sont déjà connus pour prévenir les vaginites de même que les allergies chez le nouveau-né. Toutefois, ce type de traitement pourrait-il aussi prévenir certaines complications comme le diabète de grossesse et la pré-éclampsie? C'est ce que des chercheurs de l'Université de Dublin ont tenté de déterminer en analysant les études existant sur le sujet.

D'après les informations disponibles sur le site du Journal of Maternal-Fetal and Neonatal Medicine, ces études semblent démontrer que les probiotiques ont un certain potentiel pour prévenir les complications pendant la grossesse. Par exemple, la consommation de ces "bonnes bactéries" diminuait le taux de sucre sanguin à jeun de même que la fréquence du diabète de grossesse. Les probiotiques réduisaient aussi la fréquence de la pré-éclampsie et les niveaux de certains indicateurs d'inflammation.

Notons toutefois que les chercheurs ont constaté que très peu d'études de qualité existait sur l'utilisation des probiotiques pendant la grossesse pour prévenir les complications. En effet, sur 189 articles répertoriés, seulement sept répondaient aux critères de sélection permettant d'être inclus dans cette revue de la littérature.

Pour cette raison, les chercheurs irlandais concluent qu'il est pressant de réaliser davantage d'études de qualité pour en savoir plus sur l'utilisation des probiotiques pendant la grossesse. En effet, ce traitement, en plus d'être sécuritaire, semble avoir un potentiel intéressant pour réduire les complications associées à des troubles métaboliques chez les femmes enceintes et pourrait donc être d'un grand secours pour les femmes à risques.

Référence:
Lindsay KL, Walsh CA, Brennan L, McAuliffe FM. (2013) Probiotics in pregnancy and maternal outcomes: a systematic review. J Matern Fetal Neonatal Med. 2013 Jan 11. [Epub ahead of print]

14 janvier 2013

Question de la semaine: Quel est l'âge biologique du sevrage?

Aujourd'hui, je réponds a la question de Doris Curty: "Biologiquement, sans parler de pressions et de culture, combien de temps devrait-on allaiter nos petits?"

Les pratiques entourant l'éducation des enfants varient de façon dramatique d'une culture à l'autre. On sait qu'à travers l'Histoire et avant l'avènement des laits artificiels, la plupart des enfants étaient allaités jusqu'à 3 ou 4 ans. C'est d'ailleurs encore le cas dans plusieurs sociétés traditionnelles alors qu'ici, dans les sociétés industrialisées, les enfants sont rarement allaités à l'âge d'un an.

Devant ces différences culturelles importantes, l'anthropologue Katherine A. Dettwyler s'est d'ailleurs demandée quel serait l'âge du sevrage chez l'humain s'il n'y avait pas le facteur culturel. On peut lire sa réflexion dans un texte intitulé "A Time to Wean: The Hominid Blueprint for the Natural Age of Weaning in Modern Human Population".

Selon Dettwyler, l'allaitement est à la fois un processus biologique et une activité réglée par la culture. En effet, l'allaitement n'est pas influencé seulement par des aspects comme la santé et la nutrition mais aussi par la vision culturelle de l'enfance et par ce qui est considéré comme une relation appropriée entre une mère et son enfant.

Toutefois, si on oublie cet aspect culturel, l'âge du sevrage dépend principalement de la génétique et de l'instinct. Par conséquent, selon Dettwyler, la meilleure façon d'évaluer l'âge du sevrage naturel, sans l'influence de la culture, est d'extrapoler les connaissances que nous avons sur le sujet chez nos plus proches parents: les grands singes. En effet, nous partageons environ 98% de notre matériel génétique avec les chimpanzés et les gorilles.

Ainsi, chez plusieurs espèces de grands mammifères, le sevrage se produit lorsque les bébés ont quadruplé leur poids de naissance. Chez l'humain, cela arrive entre 3 et 4 ans. Par ailleurs, on observe que certaines espèces se sèvrent lorsqu'elles atteignent environ le tiers du poids adulte. Chez l'humain, on parlerait alors de 6 à 7 ans.

On remarque aussi qu'il semble y avoir un lien entre le poids de l'adulte et l'âge du sevrage. Par exemple, les primates allaitent leurs rejetons plus longtemps que les mammifères qui sont de plus petit poids. Par conséquent, en tenant compte du poids typique d'un adulte, le bébé humain devrait être allaité entre 2,8 et 3,7 ans.

Du point de vue du développement, on a remarqué que chez plusieurs espèces de primates, le sevrage coïncide avec l'éruption des premières molaires permanentes. Chez les enfants humains, ces dents poussent habituellement entre 5 et 6 ans. Par ailleurs, Dettwyler remarque que la maturation complète du système immunitaire pourrait aussi servir pour établir l'âge du sevrage. Dans ce cas, le sevrage chez l'humain devrait se faire autour de 6 ans.

Enfin, le système reproductif peut aussi être utilisé pour tenter de déterminer l'âge du sevrage naturel. Par exemple, certaines espèces se sèvrent à mi-chemin de l'âge de la maturité sexuelle, ce qui correspondrait à 6 ou 7 ans chez les enfants humains. Par contre, on remarque que chez les chimpanzés et les gorilles, les bébés sont allaités pour une durée correspondant à six fois la durée de la gestation. Selon ce critère, le sevrage se produirait plutôt autour de 4 ans et demi chez l'humain.

En résumé, en comparant l'être humain avec les grands mammifères et, plus particulièrement, les grands singes, Dettwyler conclut que l'âge biologique du sevrage chez l'humain se situe quelque part entre 2 ans et demi et 7 ans. Toutefois, l'anthropologue mentionne que le résultat de ces recherches ne devrait pas être utilisé comme un argument pour déterminer combien de temps un bébé devrait être allaité.

En effet, la culture et le mode de vie sont des éléments importants qui, s'ils peuvent disparaître le temps d'une analyse, influencent nos choix qu'on le veuille ou non. De plus, chaque femme et chaque bébé devrait pouvoir décider eux-mêmes quand la relation d'allaitement prendra fin. 

En fait, l'intérêt de ce type d'étude est plutôt de réaliser l'écart qui existe parfois entre les exigences de notre société et celles de notre instinct biologique. C'est lorsqu'on réalise cela qu'il est alors possible de trouver des compromis pour mieux réconcilier ces deux impératifs.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références:
Dettwyler KA. A time to wean: the hominid blueprint for the natural age of weaning in modern human populations. In: Stuart-Macadam P, Dettwyler KA, editors. Breastfeeding: biocultural perspectives. New York: Aldine de Gruyter; 1995. pp. 39–73.

Dettwyler, K. A.(1997) A Natural Age of Weaning. Consulté le 13 janvier 2013 à l'adresse: http://www.kathydettwyler.org/detwean.html

11 janvier 2013

Le sommeil et l'attachement chez les prématurés

Les enfants nés prématurément ont plus de risques de connaître plus tard des problèmes sociaux ou émotifs. Toutefois, à ce jour, on ne connait pas encore les mécanismes expliquant cette malencontreuse association. Des chercheurs américains ont donc tenté d'établir si le sommeil des prématurés pourrait être un facteur expliquant leur développement socio-émotif.

Selon les informations disponibles sur le site du Infant Mental Health Journal, les chercheurs ont étudié 171 nourrissons nés prématurément. Pour ce faire, ils ont demandé aux parents de décrire le sommeil de leur bébé. L'équipe de recherche a ensuite évalué la qualité du lien d'attachement entre l'enfant et ses parents.

Les chercheurs ont ainsi remarqué que les enfants qui dormaient davantage le jour et dont les parents répondaient d'une façon plus positive à leurs besoins avaient un attachement plus sécuritaire avec leurs parents. Par ailleurs, les patterns de sommeil de nuit ne semblaient pas avoir d'impact sur la relation d'attachement.

Les chercheurs concluent donc que le sommeil de jour et la qualité de la réponse parentale seraient des facteurs importants au développement de la relation d'attachement.

Ces résultats ne sont pas surprenants puisque des études ont déjà démontré que les interactions sociales affectent et sont affectées par les patterns d'éveil-sommeil chez les enfants prématurés. Par exemple, certaines mères sont très conscientes des cycles de sommeil de leur bébé et vont se baser sur ceux-ci pour interagir ou non avec lui. Une autre étude a, elle, démontré qu'une plus grande stimulation tactile chez les prématurés était associée à plus de sommeil.

Par ailleurs, le fait que le sommeil de jour a plus d'impact pourrait s'expliquer par le fait que la majorité des interactions entre un bébé et ses parents se font le jour. Toutefois, les données disponibles sur le site du Infant Mental Health Journal ne permettent pas de déterminer si la quantité de sommeil de jour et la qualité des soins parentaux étaient reliées ou s'il s'agissait de deux facteurs indépendants.

On savait déjà que le développement du cerveau a un impact important sur les cycles de sommeil et que, par conséquent, à mesure que le cerveau acquiert plus de maturité, le sommeil des bébés prématurés évolue. L'étude dont il est question aujourd'hui semble donc démontrer que cette évolution pourrait avoir un impact important sur le développement socio-émotif de l'enfant.

Références:
A.J. Schwichtenberg1, Prachi E. Shah, Julie Poehlmann. (2013) Sleep and Attachment in Preterm Infants. Infant Mental Health Journal, Volume 34, Issue 1, pages 37–46.

Holditch-Davis D. (2010) Development of sleep and sleep problems in preterm infants. Rev ed. In: Tremblay RE, Barr RG, Peters RdeV, Boivin M, eds. Encyclopedia on Early Childhood Development [online]. Montreal, Quebec: Centre of Excellence for Early Childhood Development; 2010:1-8. Available at: http://www.child-encyclopedia.com/documents/Holditch-DavisANGxp_rev.pdf. Consulté le 10 janvier 2013.

8 janvier 2013

Question de la semaine: Le traitement aux corticostéroïdes est-il nécessaire lors d'un accouchement prématuré?

Aujourd'hui, je réponds à la question de Sophie Seguin : "Existe-t-il des études sur l'utilisation de Celestène (marque de commerce française de la bétaméthasone) pour la maturation des poumons pendant la grossesse? Je recherche principalement à savoir s'il y a des effets sur le bébé autre que celui désiré. Y a-t-il d'autre traitement alternatif?"

Lorsqu'un bébé vient au monde de façon prématurée, il peut connaître différentes difficultés liées au fait que son développement n'est pas terminé. Parmi ces difficultés, il y a la possibilité de vivre de la détresse respiratoire. Cette condition est plus commune chez les enfants nés avant 28 semaines de grossesse et touche environ le tiers des bébés nés entre 28 et 34 semaines.

Cette détresse est due à l'immaturité des cellules des poumons qui ne parviennent pas à produire suffisamment d'un liquide appelé le surfactant. Ce fluide est indispensable pour permettre aux poumons de s'adapter aux variations de pression pendant la respiration et pour éviter leur affaissement. Le surfactant permet aussi d'éviter l'accumulation de liquide dans les poumons.

Lorsqu'on sait qu'une mère va accoucher de façon prématurée, il est possible de favoriser la maturation des poumons, et ainsi la production de surfactant, en lui administrant des corticostéroïdes comme la bétaméthasone. Plusieurs études ont en effet démontré que ce traitement diminue les risques de complications associées à la prématurité telles que la mort fœtale et néonatale, le syndrome de détresse respiratoire, certains types de saignements internes, l'entérocolite nécrosante, les infections et le retard de développement dans l'enfance.

Toutefois, pour être efficace, le traitement doit être administré entre 26 et 35 semaines de grossesse. De plus, pour un effet optimal, la naissance devrait avoir lieu 1 à 7 jours suivant le traitement, quoique même un traitement ayant lieu moins de 24 heures avant la naissance semble avoir des effets bénéfiques.

Par ailleurs, comme pour la plupart des traitements, celui-ci peut comporter des effets secondaires comme un plus petit poids de naissance de même qu'une altération potentielle de la tolérance au glucose et de l'hypertension artérielle. Ces dernières observations ont toutefois était faites chez les animaux. De plus, les femmes souffrant de pré-éclampsie sévère et ayant subi ce traitement auraient aussi plus de risques de développer du diabète gestationnel.

Par ailleurs, pour l'instant, les doses répétées de corticostéroïdes ne sont pas recommandées puisqu'elles présentent des risques documentés (entre autres une diminution du diamètre du crâne) qui dépassent les bénéfices de ce type de traitement. En effet, les doses répétées ne sont pas plus efficaces que les doses uniques.

En l'absence totale de traitement aux corticostéroïdes, les risques de détresse respiratoire seront plus grands chez certains bébés et il faudra donc être prêt à leur venir en aide par d'autres interventions comme la ventilation mécanique ou l'administration de surfactant.

En conclusion, il semble y avoir un consensus concernant l'utilisation d'une seule dose de corticostéroïde pour prévenir les complications avant un accouchement prématuré. Toutefois, pour être efficace ce traitement devrait être fait à un moment bien précis et les doses répétées ne sont elles pas recommandées dans l'état actuel de la recherche.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Référence:
Hermansen CL, Lorah KN. Respiratory distress in the newborn. Am Fam Physician. 2007 Oct 1;76(7):987-94.

Hofmeyr GJ. Administration prénatale de corticostéroïdes chez les femmes présentant un risque d'accouchement prématuré : Commentaire de la BSG (dernière mise à jour : 2 février 2009). Bibliothèque de Santé Génésique de l'OMS ; Genève : Organisation mondiale de la Santé.

Gil Klinger, Gideon Koren. (2006) Controversies in antenatal corticosteroid treatment.
Canadian Family Physician, vol. 46, 1571-1573.

6 janvier 2013

À propos de l'étude recommandant de laisser pleurer son bébé...

Face à la désinformation à laquelle nous sommes exposés dans les médias depuis quelques jours, j'ai choisi d'écrire un billet spécial concernant l'étude qui, supposément, démontrerait qu'il est préférable de laisser pleurer son enfant s'il se réveille la nuit.

Il semble qu'encore une fois les médias n'ont pas pris la peine de vérifier si les résultats de cette étude appuyaient effectivement les conclusions rapportées.

L'étude dont il est question a été publiée dans le journal Developmental Psychology sous le titre "Patterns of developmental change in infants' nighttime sleep awakenings from 6 through 36 months of age". Il s'agit donc d'une étude descriptive tentant de déterminer l'évolution des patterns de sommeil chez des enfants jusqu'à l'âge de trois ans.

Les chercheurs ont donc recruté plus de 1200 enfants et ont analysé le sommeil de ceux-ci sur une période de trois ans. Pour y parvenir, les mères devaient répondre à des questions sur le sommeil de leur bébé dans la dernière semaine.

Selon les auteurs, l'étude a permis de partager les enfants en deux groupes. D'un part, le groupe des dormeurs qui ne se réveillaient pas plus qu'une fois par semaine dès l'âge de 6 mois et ce, de façon stable jusqu'à 3 ans. Environ 66% des enfants se retrouvaient dans ce groupe. Le deuxième groupe, appelé dormeurs transitionnels représentait 34 % des enfants. Ces enfants se réveillaient environ 7 fois par semaine à 6 mois, puis 2 fois par semaines à 15 mois et finalement 1 fois par semaine à 2 ans. 

Dans les deux groupes, les réveils nocturnes étaient plus souvent associés au fait d'être un bébé irritable à 6 mois, aux maladies de l'enfant, à la dépression maternelle, à l'allaitement et à une plus grande sensibilité maternelle.

À la lumière de ces résultats, on comprend difficilement comment on peut conclure qu'il est préférable de laisser pleurer un bébé. En effet, plusieurs facteurs prédisant le nombre de réveils semblent être propres à l'enfant. Par exemple, l'irritabilité du bébé à 6 mois est une caractéristique de l'enfant qui peut être due soit à un tempérament plus sensible, soit à une condition physique problématique (par exemple, un bébé souffrant de reflux gastro-oesophagien). Il est difficile de comprendre comment le fait de laisser pleurer un tel enfant pourrait régler le problème.

En fait, les auteurs se basent vraisemblablement sur le fait que les mères avec une plus grande sensibilité maternelle ont des bébés qui se réveillent plus souvent. Ils présument donc que ces mères interviennent trop et empêchent ainsi le bébé d'apprendre à dormir seul.

Rappelons toutefois, qu'en recherche, une association ne peut jamais être considérée comme une relation de cause à effet. Dans ce cas, par exemple, il serait aussi possible que les enfants qui dorment moins bien aient besoin d'une mère plus attentive à leurs besoins et que c'est la situation qui développe la sensibilité maternelle plutôt que l'inverse. Par ailleurs, rien ne démontre que les mères moins sensibles laissent leur enfant pleurer la nuit. Cette étude n'offre d'ailleurs pas d'information sur la façon dont les mères réagissaient aux éveils de leur enfant.

Donc, que pouvons nous conclure vraiment de cette étude? Premièrement, que tous les bébés ne sont pas identiques lorsqu'on parle de sommeil et que les éveils nocturnes sont assez courants même après 6 mois (environ le tiers des enfants). Deuxièmement, que certaines caractéristiques de l'enfant et de son environnement sont associées (mais pas nécessairement responsables) aux éveils nocturnes. Troisièmement, que tous les bébés finissent par faire leur nuit et que, graduellement, même les moins bons dormeurs se réveillent de moins en moins.

Ainsi, malgré le fait que les journalistes (et même l'équipe de chercheurs en entrevue) mentionnent qu'on a maintenant la preuve qu'il faut laisser pleurer son bébé, rien dans cette étude n'appuie cette affirmation. Les chercheurs semblent toutefois avoir une préférence pour cette approche mais cela demeure leur opinion et non pas le résultat d'une étude convaincante.

Enfin, j'aimerais mentionner que le but de ce billet n'est pas de défendre une approche plutôt qu'une autre mais plutôt de corriger une mauvaise couverture médiatique. Les parents reçoivent déjà suffisamment d'information et de conseils de tous et chacun. Ils n'ont donc pas besoin d'être exposés en plus à de fausses informations essayant de leur faire croire qu'ils sont responsables des réveils de leur enfant. Les parents devraient plutôt écouter leur instinct et faire ce qu'ils jugent bon pour leur enfant.

Référence:
Weinraub, Marsha; Bender, Randall H.; Friedman, Sarah L.; Susman, Elizabeth J.; Knoke, Bonnie; Bradley, Robert; Houts, Renate; Williams, Jason. Patterns of developmental change in infants' nighttime sleep awakenings from 6 through 36 months of age. Developmental Psychology, Vol 48(6), Nov 2012, 1511-1528.

4 janvier 2013

Les femmes enceintes manquent-elles de vitamine D?

On s'interroge beaucoup sur la pertinence ou non d'offrir des suppléments de vitamine D aux bébés allaités mais on parle malheureusement trop rarement du statut en vitamine D des femmes enceintes.

Pourtant les réserves de vitamine D d'une femme pendant la grossesse auront des impacts importants sur les niveaux du bébé par la suite. Par exemple, on sait qu'une déficience chez la mère est associée à des problèmes de minéralisation osseuse chez l'enfant à naître. C'est pourquoi des chercheurs britanniques ont voulu en savoir plus sur la fréquence des carences en vitamine D chez les femmes enceintes.

D'après les données disponibles sur le site du journal Maternal and Child Nutrition, l'étude qui vient de paraître a porté sur 346 femmes provenant de différentes origines ethniques et ayant accouché entre avril 2008 et mars 2009. Le taux de vitamine D dans le sang de ces femmes a été déterminé en laboratoire. Pour les besoins de l'étude, les chercheurs ont déterminé qu'un taux de vitamine D inférieur à 25 nmol/L serait considéré comme une déficience alors qu'un taux entre 25 et 75 nmol/L serait insuffisant. Enfin, les femmes avec un taux supérieur à 75 nmol/L auraient un taux jugé adéquat de vitamine D.

En général, seulement 18% des femmes étudiées avaient un taux adéquat alors que 25 % avaient des niveaux insuffisants et 36% étaient carrément en carence. L'effet était nettement plus marqué chez les femmes à la peau foncée puisque seulement 8% avait un taux de vitamine D adéquat, comparativement à 43% des femmes à la peau pâle. Les femmes obèses étaient aussi plus à risque d'avoir un niveau de vitamine D insuffisant.

Enfin, autre fait intéressant, cette déficience en vitamine D était observable peu importe la saison. On se serait pourtant attendu à ce que le problème soit plus fréquent en hiver, moment de l'année où les rayons du soleil ne sont pas assez forts pour permettre la synthèse de la vitamine D par la peau. On peut donc supposer que cette observation démontre bien que notre style de vie (peu d'activités extérieurs, utilisation de crème solaire) a un impact important sur les niveaux de vitamine D.

Ainsi, cette étude démontre que le manque de vitamine D chez les femmes enceintes semble généralisé au Royaume-Uni. Par ailleurs, une étude similaire réalisée aux États-Unis en 2007 arrivait aux mêmes conclusions. On peut donc supposer que ces résultats s'appliquent à l'ensemble des pays occidentaux.

Les chercheurs croient donc que les recommandations de supplémentation devraient être supportées plus activement mais aussi que d'autres mesures devraient être mises en place pour favoriser l'amélioration des taux de vitamine D chez les femmes enceintes. En effet, dans l'étude américaine de 2007, 90% des femmes prenaient des suppléments de vitamine D et avaient malgré tout des quantités insuffisantes dans leur sang. 

En conclusion, le statut en vitamine D d'une majorité de femmes enceintes demeure problématique et ce, malgré la prise de suppléments. Cela indique vraisemblablement que les formes de supplémentation actuelles ne sont pas assez efficaces. Il serait donc primordial de remédier à la situation étant donné les conséquences possibles.

Référence:
McAree, T., Jacobs, B., Manickavasagar, T., Sivalokanathan, S., Brennan, L., Bassett, P., Rainbow, S. and Blair, M. (2013) Vitamin D deficiency in pregnancy – still a public health issue. Maternal & Child Nutrition, 9: 23–30.

Marjorie L. McCullough (2007) Vitamin D Deficiency in Pregnancy: Bringing the Issues to Light J. Nutr. 137: 2 305-306

2 janvier 2013

Question de la semaine: Est-il bon qu'un bébé soit exposé aux microbes?

Aujourd'hui, je réponds à la question d'Elena Gory: "Quels sont les facteurs qui influencent le développement du système immunitaire? Est-ce bon que les bébés soient exposés aux microbes ou faut-il les en protéger à tout prix?"

Cellules immunitaires attaquant une bactérie
La maturation du système immunitaire d'un bébé est très complexe. Pendant la gestation, son activité est diminuée pour éviter des conséquences désastreuses pour la mère et la grossesse. En effet, un système de défense trop actif à cette étape pourrait causer une fausse couche ou du travail précoce. Pour cette raison, au moment de la naissance, le système immunitaire de l'enfant n'est pas encore complètement actif ni totalement développé.

Ainsi, les muqueuses et les barrières épithéliales se trouvant dans les voies digestives et respiratoires ne sont pas parfaitement imperméables et peuvent donc laisser pénétrer des microbes. De la même façon, les sécrétions d'acides gastriques ou de substances protectrices pouvant attaquer les microorganismes ne sont pas complètement au point, ce qui rend l'enfant plus vulnérable aux infections.

Par ailleurs, on sait que certaines cellules du système immunitaire sont moins nombreuses et moins efficaces. De plus, les molécules permettant aux cellules de communiquer entre elles sont moins abondantes, tout comme les niveaux d'anticorps se trouvant dans le sang et dans les autres liquides biologiques comme la salive ou le mucus.

Par conséquent, pour que le bébé devienne un enfant puis un adulte capable de résister aux infections, il est primordial que le développement du système immunitaire continue de se poursuivre de façon optimale. En effet, une maturation inadéquate du système immunitaire peut mener plus tard à des problèmes comme les allergies de même qu'à une moins bonne capacité à développer une mémoire immunologique, c'est-à-dire la capacité de réagir plus efficacement lors de la deuxième rencontre d'un même microbe.

Bien sûr, l'environnement microbiologique jouera un rôle important sur le développement du système immunitaire. En particulier, le type de bactéries peuplant le tube digestif et les voies respiratoires du bébé est un facteur très important. On croit par exemple que l'impact du type d'accouchement sur la flore microbienne pourrait prédisposer certains bébés à l'asthme

Il semble aussi que les infections vécues par le nouveau-né aient un rôle à jouer. En effet, lorsqu'un bébé est infecté par un microbe, celui-ci réagit par l'activation du processus d'inflammation. Celui-ci, en particulier dans les jours suivants la naissance, pourrait alors avoir des effets à long terme sur la santé du bébé. Quoiqu'il n'est pas encore clair si ces effets sur le développement du système immunitaire seront négatifs ou positifs, la plupart des chercheurs s'entendent sur le fait que l'inflammation vécue en période périnatale est rarement bénéfique.

D'un autre côté, on sait que le manque d'exposition à des stimuli immunitaire dans l'enfance augmente les risques de développer des maladies auto-immunes, c'est-à-dire des maladies où notre système immunitaire attaque notre propre corps. Il semble que l'absence de stimulation pourrait diminuer la tolérance de notre système immunitaire.

Bien sûr, la seule exposition à des microbes n'a pas un effet certain et des considérations génétiques et environnementales auront un impact non-négligeable qu'il faut prendre en considération.

Par exemple, on sait que le type d'alimentation peut avoir une importance sur le développement du système immunitaire. Ainsi, le lait maternel contient plusieurs substances qui agissent directement sur celui-ci et qui comblent dans la plupart des cas les lacunes du système immature du nouveau-né. Sous un autre aspect, le moment d'introduction des aliments solides semble avoir un impact sur le développement de certaines réactions allergiques. Le premier contact avec un allergène potentiel devrait en effet avoir lieu pendant une fenêtre de temps bien précise pour éviter les réactions inappropriées.

Enfin, il faut aussi considérer que l'exposition à des pathogènes est vraisemblablement une conséquence normale de la croissance du bébé dans un milieu non-stérile. Par conséquent, bien qu'il semble préférable de protéger le bébé des infections pour éviter qu'il développe une réaction inflammatoire, l'exposition raisonnable à certains microbes est probablement souhaitable pour la bonne maturation de son système immunitaire.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références:
S. J. Spencer, M. A. Galic and Q. J. Pittman. (2011) Neonatal programming of innate immune function. Am J Physiol Endocrinol Metab 300:E11-E18.

M'Rabet L, Vos AP, Boehm G, Garssen J. (2008) Breast-feeding and its role in early development of the immune system in infants: consequences for health later in life. J Nutr. 138(9):1782S-1790S.