30 octobre 2015

Efficace la frénotomie?

C’est la question que toutes les jeunes mamans se posent, en particulier depuis la parution d’un article dans La Presse qui parlait de sectionner la langue des bébés. Est-ce que couper le frein de langue d’un enfant peut sauver un allaitement? Jusqu’à présent, les études qui évaluaient l’efficacité de la frénotomie (c’est le terme scientifique pour nommer l’intervention consistant à couper une petite membrane se trouvant sous la langue) s’étaient plutôt concentrées sur les quelques jours suivants l’intervention. Dans une étude réalisée en Israël en 2014, des chercheurs ont voulu savoir comment cela se passait à long terme pour les mères et leur bébé.



Dans le cadre de ce projet de recherche, 244 mères qui vivaient des difficultés d’allaitement et qui envisageaient une frénotomie ont été recrutées par l’équipe de scientifiques. Dans la majorité des cas, la raison invoquée pour justifier la frénotomie était la présence de douleurs aux mamelons. En effet, 83 % des mères étudiées souffraient de mamelons douloureux et 62 % avaient carrément des blessures sur les mamelons.



À la suite de l’intervention, les chercheurs ont noté les éléments suivants :

  • Chez tous les enfants traités, très peu de douleur et de saignements ont été observés par leur mère ou le médecin qui réalisait la procédure.
  • 180 mères sur 244 ont remarqué une amélioration de leur situation après la frénotomie et 73 % d’entre elles parlaient d’une amélioration significative.
  • Chez les mères qui avaient des blessures aux mamelons avant l’intervention, 38 % rapportent que leurs blessures avaient disparu 4 jours plus tard.
  • 3 % des mères disent que la procédure a empiré la situation.


À première vue, la frénotomie semble être une intervention généralement efficace. Il faut toutefois mentionner une limite importante de cette étude. Ce sont les mères elles-mêmes qui évaluaient les répercussions de la frénotomie. En partant du fait qu’une mère souhaite rarement imposer une intervention inutile à son enfant, on peut supposer que certaines d’entre elles pourraient avoir tendance à surestimer les bienfaits de la procédure.

C’est pourquoi l’idée de mesurer les taux d’allaitement 3 mois et 6 mois après l’intervention est intéressante. En effet, si l’intervention est peu efficace, une mère risque davantage de choisir le sevrage à long terme. D’après les résultats publiés dans l’article, 68 % des mères allaitaient toujours 3 mois plus tard et 56 % allaitaient toujours 6 mois après la frénotomie. Ces taux d’allaitement sont plutôt encourageants et sont même plus élevés que les taux nationaux en Israël. Cela semble indiquer que la frénotomie a réellement une certaine efficacité.

Malgré tout, il faut demeurer prudent. Les femmes étudiées ont été suivies de près par l’équipe de chercheurs. Est-ce que le soutien offert par les professionnels pourrait être responsable en partie des résultats obtenus? N'oublions pas également que 3 % des mères disent que leur situation a empiré après l’intervention. Bien des aspects de la frénotomie restent donc à éclaircir.

À propos du frein de langue:
Le mystère de la langue des bébés
Avez-vous vérifié le frein de langue?

Source:
Dollberg S, Marom R, Botzer E. (2014) Lingual frenotomy for breastfeeding difficulties: a prospective follow-up study. Breastfeed Med. 9(6):286-9. 

23 octobre 2015

Votre enfant a-t-il les gènes qu'il faut pour se coucher tard?

Nous sommes le soir du 31 décembre. (Que voulez-vous, plus que 9 semaines avant Noël!) Vous allez fêter en famille chez des amis. Il est 19 h 55. Dites-vous « Oh, mon Dieu! Déjà presque 20 h. Il faut que je couche mon petit dernier sinon il sera insupportable demain! » ou « Bah... On peut bien attendre minuit. Ce n’est pas grave de se coucher tard une fois de temps en temps! » Selon une étude réalisée en partie à Montréal, il serait bien possible que votre réponse dépende en fait des gènes de votre enfant.

L’effet du manque de sommeil sur le comportement des tout-petits est bien connu. En bref, une nuit écourtée ou une sieste sautée rend plusieurs enfants irritables ou très peu tolérants à la frustration. Cependant, les scientifiques savent depuis longtemps que tous les enfants ne sont pas égaux devant le manque de sommeil. C’est pourquoi les auteurs de cette nouvelle étude publiée dans Pediatrics ont décidé d’analyser les répercussions de la génétique sur le comportement des tout-petits qui ont mal dormi.

Plus précisément, les chercheurs ont choisi de regarder plus près le gène codant pour le transporteur de la sérotonine, une hormone impliquée entre autres dans la régulation du comportement. Le gène en question, appelons-le 5-HTTTLPR, existe en deux versions, la version S et la version L. Selon des études réalisées auparavant, les individus porteurs de la version S sont plus à risque de dépression à l’âge adulte et gèrent moins bien leurs émotions lorsqu’ils sont dans une situation difficile.

Les scientifiques ont donc recruté 209 mères de Montréal et d’Hamilton pendant leur grossesse. Après la naissance, ils ont interrogé ces femmes régulièrement sur les habitudes de sommeil de leur enfant et sur leur comportement et leur gestion des émotions à 3 ans. Ils en ont également profité pour prendre un prélèvement chez ces tout-petits pour établir leur profil génétique.

C’est ainsi que les chercheurs ont déterminé que les enfants porteurs de la version S du gène 5-HTTTLPR éprouvaient de la frustration, de la peur, de l’inconfort, de la tristesse ou des problèmes de concentration lorsqu’ils dormaient moins. Ce n’était toutefois pas le cas de ceux qui possédaient seulement la version L.

Par conséquent, les enfants porteurs de la version S sont plus sensibles au manque de sommeil. Alors, doit-on se décourager si notre enfant fait partie des chanceux qui ont reçu une version S à la loto des gènes? Pas nécessairement selon les chercheurs. Ils ont en effet observé que ces enfants étaient ceux qui avaient le meilleur comportement lorsqu’ils dormaient une bonne nuit. Les enfants avec la version L, au contraire, n’amélioraient pas leur comportement si on leur permettait de dormir davantage. En d’autres termes, les enfants avec la version S seraient mieux adaptés à un environnement où il est possible de bien dormir alors que ceux avec la version L seraient peu affectés par le nombre d’heures de sommeil.

Il ne s’agit pas de la première étude à suggérer que la génétique a un rôle important à jouer dans le sommeil des tout-petits. Par conséquent, même si l’environnement demeure un facteur à considérer, cela signifie que les parents n’ont d’autres choix que d’adapter leurs interventions à la personnalité de leur enfant. Pensez-y au prochain réveillon du jour de l’an.

Pour en savoir plus sur le sommeil des tout-petits:
À la recherche de l'âge absolu pour faire ses nuits
Et si votre enfant était un oiseau de nuit?

Source: 
Bouvette-Turcot AA, Pluess M, Bernier A, Pennestri MH, Levitan R, Sokolowski MB, Kennedy JL, Minde K, Steiner M, Pokhvisneva I, Meaney MJ, Gaudreau H. (2015) Effects of Genotype and Sleep on Temperament. Pediatrics. 136(4):e914-21.

2 octobre 2015

Le microbiome est mort! Vive le virome!

C'est le sujet cool de l'heure : le microbiome, les bonnes bactéries qui colonisent jusqu'au moindre recoin de notre corps. Même Charles Tisseyre en parle! Pourtant, le microbiome est déjà dépassé! La nouvelle tendance, c'est le virome, c'est-à-dire la communauté de virus qu'on retrouve dans le corps humain. C'est d'ailleurs le sujet d'un article publié récemment dans le journal Nature Medicine.

Des bactériophages attaquant une bactérie.
Des chercheurs de l'Université de Washington ont en effet analysé les selles de 8 enfants, de la naissance à l'âge de 2 ans, pour mieux connaître ces parasites microscopiques qui se cachent dans l'intestin de nos bébés. Dès les premiers jours de vie, des virus seraient détectables dans les entrailles de nos enfants. Plusieurs des virus identifiés dans cette étude étaient à ce jour inconnus de la communauté scientifique. Sans surprise, on retrouve dans l'intestin des virus capables d'infecter les cellules humaines. Cependant, les chercheurs ont découvert des virus qui ont plutôt pour cibles les bactéries, ce qu'on appelle des bactériophages.

Selon les scientifiques américains, l'environnement microbien des tout-petits serait extrêmement dynamique, ce qui n'est pas le cas chez l'adulte. Par exemple, les bactériophages seraient nombreux dans les premiers moments de la vie du bébé, puis leur nombre déclinerait par la suite. Pour les bactéries, ce serait le contraire. Les chercheurs croient donc que les intestins des bébés sont le théâtre d'un écosystème complexe ou les microorganismes interagissent entre eux. Ainsi, les nombreux virus présents dans les premiers jours doivent infecter des bactéries pour continuer à se multiplier. Cependant, la rareté des bactéries entraîne la chute des bactériophages. Ces prédateurs disparus, les bactéries peuvent alors amorcer leur conquête de l'intestin.

Plusieurs questions concernant ces virus demeurent toutefois sans réponse. D'où viennent-ils? Leur nombre et leur diversité sont-ils influencés par le type de naissance du bébé, par l'alimentation ou par d'autres facteurs environnementaux? Comment ces virus peuvent-ils avoir des répercussions sur la santé de l'enfant à long terme? La prochaine décennie sera peut-être bien celle du virome.

À propos de la flore microbienne: 
La petite histoire d'un seul biberon, de 1922 à aujourd'hui
Césarienne: une petite dose de bactéries vaginales!

Sources: 
Washington University School of Medicine. (2015, September 14). Viruses flourish in guts of healthy babies. ScienceDaily.

Efrem S Lim, Yanjiao Zhou, Guoyan Zhao, Irma K Bauer, Lindsay Droit, I Malick Ndao, Barbara B Warner, Phillip I Tarr, David Wang, Lori R Holtz. Early life dynamics of the human gut virome and bacterial microbiome in infants. Nature Medicine, 2015