28 février 2014

Fais-moi confiance!

Dans un de ses numéros, l'humoriste québécois Louis-José Houde s'amusait à dire qu'on pouvait faire croire n'importe quoi aux enfants. « Si tu ne manges pas ton repas, un monstre va te manger! » La recherche semble démontrer qu'il n'a pas tout à fait tort. Une étude réalisée par des chercheurs californiens auprès de 182 tout-petits de 3 à 4 ans révèle que ceux-ci font confiance systématiquement à un adulte s'il n'est pas contredit par un autre.

Les scientifiques ont en effet remarqué que les tout-petits croient automatiquement un adulte, même s'il n'est pas très fiable, dans la mesure où aucune information contraire n'existe. Cependant, en présence d'une autre personne plus fiable, l'enfant fera plus confiance à celle-ci si elle formule un avis différent. Le tout-petit ne prendra toutefois pas l'initiative de demander une confirmation si la personne fiable n'exprime pas elle-même son opinion.

Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs ont mis les enfants en présence d'un adulte qui leur avait donné de faux renseignements dans le passé. Dans un cas, ils étaient seuls avec celui-ci. Dans un autre, ils étaient en compagnie d'un autre adulte plus fiable. Enfin, dans le troisième cas, l'individu fiable ne prenait pas part à la discussion.

D'après les scientifiques, même si un enfant évalue la fiabilité d'un adulte pour déterminer s'il peut lui faire confiance, il aura tendance à lui donner une deuxième chance si aucune autre source d'information n’est disponible.

Les expériences de ce type permettent de mieux comprendre le développement du jugement chez les tout-petits. Ces connaissances peuvent ensuite nous aider à expliquer les réactions parfois surprenantes de nos enfants!

Références : Vanderbilt, K. E., Heyman, G. D. and Liu, D. (2014), In the absence of conflicting testimony young children trust inaccurate informants. Developmental Science. doi: 10.1111/desc.12134

24 février 2014

Question de la semaine : La petite histoire du rot

Aujourd'hui, j'aborde un sujet proposé par Chantale Lavigne : les rots des bébés.

S'il y a un geste qui est bien ancré dans notre culture lorsque vient le temps de prendre soin d'un bébé, c'est bien le rot. Pourtant, est-il vraiment utile? À quoi sert-il? En cherchant un peu, on remarque qu'il est bien recommandé par une majorité d'experts, mais que ces recommandations ne sont basées sur rien de bien solide.

Les nouveau-nés ont la particularité de s'alimenter plus ou moins efficacement. Ils avalent donc beaucoup d'air lors d'un boire. C'est surtout le cas des bébés nourris au biberon, de ceux qui boivent très vite ou de ceux qui sont agités pendant le boire. De plus, un nourrisson peut ingurgiter de l'air lorsqu'il pleure.

L'air qui s'accumule dans l'estomac peut devenir une source d'inconfort pour le tout-petit. Il est alors de mauvaise humeur et se tortille. Dans certains cas, cela peut rendre l'heure du boire plus difficile et si l'air demeure prisonnier du système digestif, cela lui occasionnera peut-être aussi des gaz.

L'aide des parents peut être utile pour soulager cet embarras. Le nombre de rots nécessaire peut varier d'un enfant à l'autre, mais la majorité en fait deux : un au milieu du boire et l'autre à la fin. On suggère toutefois de ne pas interrompre le bébé qui boit pour lui faire faire un rot. On attend plutôt qu'il fasse lui-même une pause.

Par ailleurs, la croyance populaire veut que les nourrissons souffrant de reflux gastro-œsophagien aient besoin de faire des rots plus souvent. Cependant, certains experts remarquent avec justesse que faire sortir l'air de l'estomac a vraisemblablement peu d'effet sur l'acidité de son contenu. De plus, les rots peuvent être douloureux pour ces bébés puisque le contenu acide peut parfois remonter avec l'air.

Pour qu'un enfant puisse faire un rot, il doit être dans une position qui permettra à l'air de se retrouver à proximité de l'ouverture de son estomac, qu'on appelle le sphincter œsophagien inférieur. Ce sphincter est un muscle qui est habituellement fermé entre les repas. Chez les nouveau-nés, il est toutefois immature et s'entrouvre facilement. Si une bulle d'air se déplace tout près au moment où il s'ouvre, le bébé fera un rot. La facilité d'un nourrisson à faire des rots peut donc dépendre de la forme de son estomac, mais aussi de la fréquence d'ouverture de son sphincter.

Pour cette raison, la position la plus efficace pour faire un rot peut varier d'un bébé à l'autre. Parmi celles qu'on recommande le plus, on retrouve le bébé debout et appuyé sur l'épaule du parent, le bébé assis sur les genoux ou le bébé couché à plat ventre sur les genoux. Aucune méthode en particulier ne semble être privilégiée par les professionnels. Bien tenir la tête du bébé est toutefois importante dans tous les cas.

Si après 2 ou 3 minutes, le rot ne vient pas, on peut changer de position. D'après les experts, insister trop longtemps serait toutefois inutile. Si le bébé est calme après le boire, il n'en a vraisemblablement pas besoin. Par exemple, les bébés allaités avaleraient peu d'air et ne feraient donc que rarement des rots. Bien sûr, réveiller un bébé pour lui faire faire un rot est peu utile. De toute façon, le bébé pourra aussi faire son rot plus tard lorsqu'on le changera de position.

Un médecin américain remet toutefois cette idée en question. Selon lui, les bébés qui ont trop d'air accumulé dans l'estomac seraient plus à risque de la mort subite du nourrisson. D'après ses explications, l'une des artères principales du cœur, l'aorte, passe très près de l'estomac et la pression occasionnée par l'air qui s'y trouve pourrait être interprétée faussement comme une augmentation de la pression artérielle. Le corps du bébé réagirait alors par une chute de la pression sanguine, un ralentissement de la fréquence cardiaque pouvant aller jusqu'à l'arrêt. Il faut toutefois mentionner qu'aucune étude n'a été réalisée pour confirmer cette supposition et qu'aucun scientifique n'a noté une hausse du nombre de morts subites chez les enfants qui ne font pas de rot. Cette idée un peu étrange ne devrait donc pas inquiéter les parents outre mesure.

Cependant, cette hypothèse inusitée démontre l'absence d'information sérieuse sur le sujet. En effet, lorsqu'on fouille un peu sur les rots, on ne trouve aucune véritable étude. Toutes les recommandations citées viennent exclusivement de l'avis professionnel de certains médecins ainsi que de leur expérience clinique. Elles sont donc à prendre avec un grain de sel. Alors, à quand une analyse poussée sur les rots?


Références :
American Academy of Pediatrics. (2013) Burping, Hiccups, and Spitting Up. Consulté sur le site healthychildren.org le 23 février 2014

Centre familial de naissance, Hôpital Montfort (2012) Soins quotidiens du nouveau-né. Consulté en ligne le 23 février 2014.

Flaig, Christian. (2011) SIDS - To be or not to burp. Pediatrics, published on line June 27, 2011.

Flaig C. (2007) Inappropriate mediastinal baroreceptor reflex as a possible cause of sudden infant death syndrome - Is thorough burping before sleep protective? Med Hypotheses. 68(6):1276-86. Epub 2006 Dec 4.

Institut national de santé publique du Québec. (2014) Mieux vivre avec notre enfant de la grossesse à deux ans. Consulté en ligne le 23 février 2014 à l'adresse http://www.inspq.qc.ca/MieuxVivre/

Labbé, Jean. (2011) Bulletin pédiatrique - Votre enfant de la naissance à 4 semaines. Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale. Consulté en ligne le 23 février  2014.

The Hospital fo Sick Children (2009) Régurgitations et vomissements. Consulté sur le site aboutkidshealth.ca le 23 février 2014.

Vartabedian, B. (2007). Colic Solved: The Essential Guide to Infant Reflux and the Care of Your Crying, Difficult-to-Soothe Baby. New York : Ballantine Books.

21 février 2014

Lutte contre les virus : tactique à revoir chez les nouveau-nés...

Un petit bébé mignon... Il n'a que quelques heures, mais déjà une guerre féroce se joue peut-être sous la surface de sa peau douce. Dès la naissance, les virus tentent de coloniser cet être tout neuf dont le système de défense est encore mal entraîné. Selon des chercheurs américains, les premières semaines voire les premiers jours d'un nourrisson sont un moment critique pour le développement de son immunité.

Cellule dendritique
C'est en étudiant des souris que cette équipe de scientifiques a pu comprendre comment les nouveau-nés réagissaient lorsqu'ils sont attaqués par le virus respiratoire syncytial (VRS), la cause la plus commune d'hospitalisation pour une infection respiratoire chez les tout-petits. Ils ont ainsi remarqué que les cellules immunitaires des nourrissons se comportaient très différemment de celles des adultes.

En temps normal, lorsqu'un virus réussit à s'introduire jusque dans nos voies respiratoires, il est rapidement intercepté par les cellules dendritiques (CD) qui s'empressent d'ingurgiter l'intrus, de le digérer et de sonner l'alerte. Ces cellules se rendent en effet dans les ganglions lymphatiques où ils pourront montrer leur prise aux cellules T cytotoxiques qui se mettront alors en action. Celles-ci pourraient être comparées à unité tactique dont la mission est d'exterminer tous les virus jusqu'au dernier.

Le problème observé par les scientifiques, c'est que les cellules dendritiques du nourrisson sont nettement moins efficaces. Par exemple, leur façon d'attraper le virus et de le réduire en pièces est très différente et cela affecte directement l'efficacité des cellules T. De plus, certaines molécules essentielles à l'activation de celles-ci sont tout simplement manquantes à la surface des cellules dendritiques. Le résultat de ces manques, c'est que le nouveau-né ne réussit pas à déclencher une réponse défensive particulièrement adaptée contre un virus comme le VRS.

Le VRS est l'un des pathogènes les plus importants pendant la petite enfance. On estime qu'il est responsable de 20,1 % des décès entre l'âge de 1 mois et de 1 an.

La bonne nouvelle, c'est que même quelques semaines peuvent être suffisantes pour que le système immunitaire d'un nouveau-né réagisse un peu mieux. L'action des cellules dendritiques dépend en effet de l'âge du tout-petit. En prenant des précautions pour limiter l'exposition d'un petit bébé aux virus dans les premières semaines de sa vie et en lui offrant les soins nécessaires pour bien entraîner son système immunitaire, on réduit donc de beaucoup les risques de complication. Cela laissera le temps à l'enfant de devenir un maître de la tactique défensive... sous des airs toujours aussi inoffensifs toutefois.

Références :
PLOS (2014, 13 février) What makes the newborn immune system in the lungs different and vulnerable? Communiqué de presse consulté le 20 février 2014.

Ruckwardt TJ, Malloy AMW, Morabito KM, Graham BS (2014) Quantitative and Qualitative Deficits in Neonatal Lung-Migratory Dendritic Cells Impact the Generation of the CD8+ T Cell Response. PLoS Pathog 10(2): e1003934. doi:10.1371/journal.ppat.1003934

17 février 2014

Question de la semaine : Les soins dentaires pendant la grossesse

Aujourd'hui, je réponds à la question de Rachel Delplanque : « Qu'en est-il des soins dentaires pendant la grossesse et de leur implication santé pour la mère et le fœtus? »

La grossesse peut être source de plusieurs petits inconforts. Lorsqu'un mal de dents s'installe toutefois, la vie peut devenir carrément insupportable. Malheureusement, moins de 10 % des dentistes feraient tous les traitements nécessaires lorsque vient le temps de soigner une femme enceinte. Par exemple, 14 % d'entre eux se disent contre l'anesthésie locale pendant la grossesse. Pourtant, de plus en plus d'organisations médicales croient que ces réticences ne sont pas justifiées et seraient même dommageables.

En fait, pendant la grossesse, 80 % des femmes connaîtront certains problèmes de santé buccale en raison des changements physiques qu'elles vivent.

Entre autres, pendant le troisième trimestre, les femmes enceintes réagissent plus fortement à la présence de plaque dans leur bouche. Résultat : leurs gencives enflent et saignent plus facilement. Chez 5 % des futures mères, cette réponse inflammatoire est déclenchée par les bactéries, ce qui crée des lésions sur la gencive du haut. De plus, les ligaments supportant les dents s'assouplissent ce qui peut augmenter la mobilité de celles-ci. Enfin, la salive plus acide des femmes enceintes les prédispose à la carie dentaire, un phénomène amplifié par les rages de sucreries ou par les vomissements qui attaquent l'émail des dents.

Les femmes enceintes peuvent donc avoir besoin de soins dentaires. En fait, certaines maladies buccales non traitées seraient associées à la pré-éclampsie, aux naissances prématurées et aux bébés de petits poids de naissance. En effet, lorsque des maladies buccales se déclenchent, certains microbes et quelques molécules favorisant l'inflammation voyagent à travers le corps et se rendent jusqu'au col de l'utérus, où ils peuvent contribuer au déclenchement de l'accouchement. De plus, de bons soins dentaires diminueraient la transmission des bactéries causant la carie de la mère vers le bébé.

En d'autres termes, le fait de retarder des traitements peut avoir des conséquences fâcheuses. Toutefois, qu'en est-il de leur sécurité pour la mère et le fœtus?

Traitement des maladies de gencives (ex. : gingivites et autres inflammations des tissus entourant et supportant les dents)
D'après les scientifiques, ces traitements n'auraient pas d'effets secondaires pour le fœtus, qu'ils soient accompagnés ou non d'une anesthésie locale. Ils sont généralement composés de plusieurs procédures : contrôle et retrait de la plaque à toutes les 2 à 3 semaines, détartrage, rinçage quotidien de la bouche avec un antiseptique comme le chlorhexidine. Ces traitements diminueraient le taux de naissance prématurée et le nombre de bébés de petits poids de naissance.

Les rayons X
Selon le American Congress of Obstetricians and Gynecologists, les rayons X dentaires ne constituent pas un risque pour le fœtus. D'après les scientifiques, la dose de radiation à laquelle le bébé est exposé est de l'ordre de 0,01 mrad et une dose inférieure à 5 rad serait jugée sans danger. D'ailleurs, une étude britannique auprès de 7 375 mères ayant subi un rayon X dentaire n'a pas mesuré d'augmentation du taux d'accouchements prématurés ou du nombre de nourrissons avec un petit poids de naissance. À titre de comparaison, même des bébés dont la mère a passé un scan abdominal et qui ont donc été exposés à beaucoup plus de radiations que lors d'un rayon X dentaire, n'avaient pas plus de tumeurs que les autres. Par mesure de précaution, on suggère tout de même de protéger l'abdomen et la glande thyroïde.

Traitement de canal et obturations
« La grossesse n'est pas une raison pour retarder un traitement de canal ou une obturation si nécessaire, car retarder le traitement pourrait mener à des complications, » conclut l'American Congress of Obstetricians and Gynecologists. Selon cet organisme, toutes les conditions demandant une action immédiate (extraction, traitement de canal, restauration d'une carie) peuvent être soignées à n'importe quel moment de la grossesse. Cette conclusion est d'ailleurs partagée par les auteurs d'un article paru dans le journal Canadian Family Physician. On y lit en effet que la pose d'amalgame composé de mercure est sans danger pour le fœtus puisque la quantité de mercure libérée par un amalgame est minime. Ils suggèrent toutefois d'éviter l'utilisation du peroxyde d'hydrogène pendant la procédure qui augmente la relâche du mercure.

De son côté, Santé Canada recommande de ne pas installer ou remplacer des amalgames pendant la grossesse. Certains experts croient cependant qu'il s'agit d'une approche conservatrice. Les études qui existent sur le sujet et réalisées sur un total de 2179 nourrissons n'ont noté aucune malformation congénitale, séquelle neurologique, fausse couche ou réduction de la fertilité en lien avec les obturations pendant la grossesse.

Anesthésie locale
Toujours selon l'American Congress of Obstetricians and Gynecologists et les auteurs du Canadian Family Physician, l'anesthésie locale à base de lidocaïne (avec ou sans épinéphrine) serait sécuritaire. Les experts citent entre autres une étude réalisée sur 823 femmes qui n'aurait noté aucun effet secondaire pour le fœtus. On suggère toutefois de bien aspirer pendant la procédure pour minimiser les risques d'une injection intravasculaire.

Bien qu'il faut reconnaître que plusieurs dentistes sont inquiets au sujet de la sécurité des traitements dentaires et des médicaments pendant la grossesse, cela ne justifie pas que certaines femmes enceintes ne reçoivent pas de soins dentaires complets avant la naissance de leur bébé. En fait, selon l'American Congress of Obstetricians and Gynecologists, la solution est simple : améliorer les connaissances des dentistes sur les soins dentaires pendant la grossesse.


Références :
The American Congress of Obstetricians and Gynecologists. (2013) Dental X-Rays, Teeth Cleanings = Safe During Pregnancy. Consulté le 15 février 2014.

The American Congress of Obstetricians and Gynecologists. (2013) Oral Health Care During Pregnancy and Through the Lifespan. Consulté le 15 février 2014.

Wrzosek, T, Einarson, A. (2009) Dental care during pregnancy. Canadian Family Physician, 55 (6) : 598-599.

14 février 2014

Naître comme un bébé dans l'eau

L'être humain serait-il fait pour voir le jour dans l'eau? Bien que son utilisation soit récente dans le monde de l'obstétrique, la piscine d'accouchement est de plus en plus populaire auprès des mères qui cherchent à vivre une naissance naturelle. Ce type d'accouchement ne serait pas intéressant en apparence seulement, de nouvelles études confirment qu'il a des avantages indéniables.

Selon les experts, le travail dans l'eau faciliterait le mouvement en raison de la flottabilité du corps de la femme enceinte qui pourrait alors adopter une position optimale pour la descente du bébé. Une étude italienne a d'ailleurs révélé que les mères qui accouchent dans l'eau choisissent plus souvent la position debout et que l'accouchement se déroule ainsi avec un minimum d'intervention de la part des sages-femmes. La chaleur de l'eau, quant à elle, permettrait à la mère de relaxer et de percevoir moins de douleur. Elle favoriserait aussi une meilleure circulation sanguine au niveau de l'utérus et une diminution de la pression. Il n'est donc pas étonnant que les femmes qui utilisent la piscine d'accouchement se sentent plus en contrôle et plus satisfaites.

Selon une analyse de 12 études réalisée auprès de 3 243 femmes, l'immersion dans l'eau pendant le travail en diminue la durée et limite l'utilisation de l'épidurale. Une enquête britannique plus récente a également démontré que la piscine d'accouchement réduit la fréquence des transferts vers l'hôpital pour les femmes accouchant avec une sage-femme. Elle abaisserait aussi le taux de césarienne et d'interventions comme l'épidurale ou l'administration d'ocytocine synthétique, mais seulement pour les accouchements ayant lieu en maison de naissance et non pas à domicile.

Certains chercheurs ont toutefois remarqué que les femmes qui utilisent la piscine trop tôt, c'est-à-dire avant d'avoir atteint une dilatation de 4 cm, ont un travail plus long et un risque plus élevé d'employer l'épidurale ou l'ocytocine synthétique. Cependant, ces données sont contestées par d'autres scientifiques.

Du côté des inconvénients, certains professionnels s'inquiètent de la possibilité que le bébé inhale de l'eau ou qu'il soit exposé davantage aux infections. À ce jour, aucune donnée scientifique ne semble toutefois démontrer des effets négatifs sérieux à utiliser une piscine de naissance, ni pour la mère ni pour l'enfant. Les scientifiques recommandent cependant d'être prudent lors de la manipulation du cordon pour éviter certaines complications.

Par ailleurs, certains chercheurs croient que la position debout que les femmes accouchant dans l'eau adoptent naturellement pourrait être responsable d'une augmentation des déchirures. Par contre, celle-ci serait compensée par une diminution des épisiotomies.

En résumé, l'accouchement dans l'eau semble être une façon intéressante de vivre la naissance de son enfant. Il devrait donc être proposé aux mères vivant une grossesse à faible risque dans le but de soulager la douleur, en particulier si celles-ci souhaitent éviter les méthodes pharmacologiques. Qui sait, peut-être aurons-nous le plaisir de voir bientôt toute une génération de petits poissons envahir les maternités!

Références :
Cluett ER, Burns E. (2009) Immersion in water in labour and birth. Cochrane Database Syst Rev. 2009 Apr 15;(2):CD000111. doi: 10.1002/14651858.CD000111.pub3.

Henderson J, Burns EE, Regalia AL, Casarico G, Boulton MG, Smith LA. (2014) Labouring women who used a birthing pool in obsteric units in Italy: prospective observational study.  BMC Pregnancy Childbirth.14(1):17. doi: 10.1186/1471-2393-14-17.

Lukasse M, Rowe R, Townend J, Knight M, Hollowell J. (2014) Immersion in water for pain relief and the risk of intrapartum transfer among low risk nulliparous women: secondary analysis of the birthplace national prospective cohort study. BMC Pregnancy Childbirth. 2014 Feb 6;14(1):60. [Epub ahead of print]

10 février 2014

Quand les dessins animés font un tabac

Cette semaine, dans le cadre du « Pleins feux sur la science et le cinéma » de l'Agence Science-Presse, j'aborde le sujet du tabagisme dans les films d'animation pour enfants.

Cruella qui allume cigarette sur cigarette en élaborant des plans machiavéliques, Peter Pan qui fume le calumet de la paix avec le chef des Indiens ou le génie d'Aladin qui se déguise en serveur français, clope au bec... Depuis 1940, le tabac semble avoir une place privilégiée dans les dessins animés pour enfants.

Aux moins trois études se sont penchées sur le tabagisme dans les films d'animation pour enfants, de 1937 à 2000. Si la façon d'évaluer l'exposition au tabac varie entre les trois, leurs conclusions sont plutôt similaires. Les chercheurs estiment qu'au moins un personnage fume dans 43 à 56 % des films d'animation réalisés pendant cette période. Lorsqu'on étudie uniquement les productions de Disney, on parle alors de 52 à 75 %.

Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce ne sont pas que les « méchants » qui fument dans les films puisque ceux-ci ne représentent qu'environ le deux tiers des fumeurs. En fait, dans trois films de Disney (Peter Pan, Pinocchio et Oliver & compagnie), ce sont même des enfants qui utilisent du tabac. Les chercheurs remarquent toutefois que ce sont plus souvent les personnages secondaires qui fument que les héros du film.

Plusieurs types de tabac sont représentés dans les dessins animés. C'est dans les années '40 qu'on retrouve le plus de cigares, probablement en raison de la production de Pinocchio qui est le film de Disney qui en présente plus. Ils sont en général consommés par des personnages travaillants, puissants, riches et qui ont beaucoup de succès. Dans les années '50 et '60, c'est l'époque de la pipe. Les personnages qui l'utilisent sont plus sages, plus doux mais aussi plus âgés. La cigarette est plutôt associée aux personnages indépendants, charmeurs, intelligents et vifs d'esprit.

Ce qu'on observe, c'est que l'utilisation du tabac n'est jamais accompagnée de messages négatifs ou d'avertissement sur leurs effets secondaires. Au contraire, ces produits sont présentés comme acceptables. Par exemple, seuls trois personnages dans tous les films d'animation étudiés se font dire qu'ils devraient cesser de fumer. De plus, seulement 4 % des personnages refusent de consommer du tabac. C'est entre autres le cas de Wendy, dans Peter Pan, qui repousse le calumet de la paix en grimaçant et... le fait passer à un autre enfant!

Surtout, dans tous les films, l'utilisation du tabac n'apporte rien à l'histoire. Pourquoi ces produits sont-ils alors omniprésents?

Certains experts croient que l'utilisation du tabac dans les films d'animation pour enfants peut servir à
mieux rendre un contexte culturel ou historique. Elle permettrait aussi de faire passer certains traits de caractère sans introduire de la violence, ce qui pourrait changer le classement du film. Toutefois, il faudrait être naïf pour ne pas y voir une influence de l'industrie du tabac. Celle-ci sait en effet que l'exposition au tabagisme dans un film est aussi efficace qu'une publicité pour inciter les gens à fumer.

Une étude réalisée sur des enfants du primaire a démontré que le fait d'être exposé au tabagisme dans les films augmentait les risques de commencer à fumer. En effet, même si les premières expériences de cigarettes se font en général à l'adolescence, le désir de fumer peut se développer bien plus tôt, croient les chercheurs. En fait, ceux-ci ont calculé que l'exposition au tabac dans les films serait responsable à 35 % de l'initiation du tabagisme.

Une bonne nouvelle toutefois pour terminer : depuis les années 2000, la présence du tabac dans les films d'animation pour enfant a chuté au point d'être presque inexistante maintenant. Cependant, étant donné que les grands classiques du dessin animé sont continuellement réédités en DVD ou BluRay, ils continuent d'avoir une influence sur les tout-petits qui les regardent en boucle.

Chaque semaine, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le développement de l'enfant? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références :
Goldstein AO, Sobel RA, Newman GR. (1999) Tobacco and alcohol use in G-rated children's animated films. JAMA. 281(12):1131-6.

Ryan, E. L, Hoerrner, K. L. (2004) Let your conscience be your guide : Smoking and Drinking in Disney's Animated Classics. Mass communication & Society, 7 (3), 261-278.

Titus-Ernstoff L, Dalton MA, Adachi-Mejia AM, Longacre MR, Beach ML. (2008) Longitudinal study of viewing smoking in movies and initiation of smoking by children. Pediatrics. 121(1):15-21. doi: 10.1542/peds.2007-0051.

Thompson KM, Yokota F. (2001) Depiction of alcohol, tobacco, and other substances in G-rated animated feature films. Pediatrics. 107(6):1369-74.

7 février 2014

Le cas étrange de l'alcool pendant la grossesse

Tous les experts s'entendent : beaucoup d'alcool pendant la grossesse est synonyme d'impacts catastrophiques sur le développement du bébé. Cependant, la situation est moins claire lorsqu'on parle d'une consommation modérée. Par exemple, une étude publiée récemment conclut qu'un peu d'alcool n'influence pas négativement le bébé. Certains chercheurs croient même que la consommation légère d'alcool serait protectrice. Ces conclusions sont pour le moins étranges. Comment l'alcool pourrait-il favoriser le développement d'un fœtus?

Une scientifique du Danemark a choisi de faire la lumière sur ce mystère en étudiant 37 000 mères danoises et leurs enfants âgés de 7 ans. Elle a donc comparé les femmes qui n'avaient pas bu du tout pendant leur grossesse à celles qui avaient consommé modérément (2 à 4 verres par semaine). Comme dans les études précédentes, elle a noté que les enfants des secondes avaient de meilleurs résultats cognitifs et comportementaux que ceux des premières. Cependant, la chercheuse ne s'est pas arrêtée là.

Elle a en effet voulu savoir si ces mères qui continuaient à boire modérément pendant leur grossesse avaient quelque chose de particulier. Elle a trouvé la réponse en épluchant les données recueillies sur ces femmes.

Elle a ainsi remarqué que celles-ci avaient un mode de vie caractéristique. Elles étaient en général plus âgées et détenaient plus souvent un diplôme universitaire. Elles avaient également de meilleures habitudes de vie. Elles consommaient du poisson mais pas de boisson gazeuse, écoutaient peu la télévision, ne fumaient pas, ne souffraient pas de problèmes mentaux et leur indice de masse corporelle était dans la normale.

Toutes ces caractéristiques sont connues pour favoriser le développement d'un enfant, autant du point de vue de l'attachement que pour l'aspect psychologique ou cognitif. Ils pourraient ainsi fournir une piste pour expliquer les données contradictoires existant sur l'alcool pendant la grossesse.

En effet, bien souvent, les chercheurs ne tiennent pas compte de ces facteurs lorsqu'ils étudient l'impact de l'alcool sur le développement du fœtus. Pourtant, ceux-ci pourraient masquer les conséquences négatives, faibles mais bien réelles, de la consommation d'alcool.

Cette analyse particulièrement intéressante rappelle donc deux choses. Premièrement, les recherches épidémiologiques doivent être bien élaborées pour arriver à des conclusions fidèles à la réalité. Deuxièmement, lorsqu'une étude révèle des résultats qu'on ne peut expliquer avec nos connaissances actuelles de la biologie et de la physiologie, il faut chercher plus loin. Il s'agit peut-être effectivement d'une nouvelle explication à un phénomène mal compris, mais il pourrait aussi s'agir tout simplement... d'une mauvaise étude!

Références : 
University of Copenhagen. (2014, 2 janvier) Study on pregnancy and alcohol fails to take psychological factors into account. Consulté le 6 février sur le site Eurekalert.

Niclasen J. (2013) Drinking or Not Drinking in Pregnancy: The Multiplicity of Confounding Influences. Alcohol Alcohol. 2013 Oct 8. [Epub ahead of print]


4 février 2014

Question de la semaine : Signer ou non la carte d'assurance maladie de son enfant

Aujourd'hui, je réponds à la question de Chantal Caissié : « J'aimerais avoir plus d'informations sur le don d'organes chez les enfants.

“Don d’organes et de tissus : Le don de vie” C'est ce qu'on peut lire sur le site de l'Hôpital de Montréal pour enfants. Si la majorité des gens se disent favorables au don d'organes, l'idée peut prendre une connotation particulière lorsqu'il s'agit de signer la carte d'assurance-maladie de notre enfant. S'informer peut aider à arriver à une décision.

Source : CHUM
En 2012, 1250 personnes attendaient un don d'organes. Selon le journal La Presse, 16 d'entre eux étaient des enfants. Cela peut sembler peu, mais il faut savoir que dans la même année, sur 120 donneurs, seulement 3 étaient âgés de moins de 11 ans. Même les nourrissons peuvent bénéficier d'une transplantation de cœur, de rein ou de foie. Cependant, leur petite taille entraîne une pénurie d'organes.

En général, en acceptant de donner ses organes, il est possible de sauver jusqu'à 8 personnes et de rendre la santé à une quinzaine d'autres. Pour déterminer qui recevra les organes, plusieurs facteurs sont considérés. Premièrement, le donneur et les receveurs doivent être compatibles. On évalue alors le groupe sanguin, la compatibilité des tissus, le poids et la taille. Ensuite, on analysera l'urgence de la situation et la date d'inscription sur la liste d'attente.

Comment ça se passe?
La préoccupation première des médecins consiste à sauver la vie de leur patient. On ne discutera donc pas du don d'organes avant que le décès ne soit constaté et certifié par deux médecins indépendants. Ceux-ci, de même que ceux qui s'entretiendront avec la famille de la possibilité du don d'organes, ne font jamais partie de l'équipe de prélèvement ou de transplantation. C'est d'ailleurs une disposition du Code civil qui vise à assurer que la famille ne sente pas de pression à accepter de procéder au don. Chez les enfants de moins de 14 ans, ce sont les parents qui prennent la décision puisque leur consentement est obligatoire.

Tous les enfants décédés ne peuvent toutefois pas donner leurs organes. Le décès doit survenir à l'hôpital et dans des circonstances très particulières : un accident vasculaire cérébral, un traumatisme crânien, un manque d'oxygène au cerveau (comme lors d'une noyade) ou certaines tumeurs au cerveau.

Les organes qui peuvent être transplantés sont les reins, le cœur, les poumons, le foie, le pancréas et les intestins. Certains tissus peuvent aussi être donnés : les os, la peau, les valves cardiaques, les veines, les tendons, les ligaments et les tissus oculaires. Le prélèvement est effectué avec soin et n'empêche donc pas les rites funéraires. Si certains organes sont inutilisables, ils pourraient être utilisés pour la recherche, mais on demandera alors à nouveau le consentement de la famille.

Les parents qui choisissent de donner les organes de leur enfant disent le faire pour sauver un autre tout-petit ou pour donner un sens spirituel au décès de leur enfant. Le geste est complètement anonyme. Si elle le souhaite, la famille du donneur peut écrire à la famille du receveur ou vice versa. Cependant, cette correspondance se fait par l'intermédiaire de Transplant Québec. L'organisme s'assure alors que rien dans les échanges ne permet d'identifier l'une ou l'autre des familles.

La décision de signer ou non la carte d'assurance-maladie de son enfant demeure malgré tout une décision très personnelle. Cela peut toutefois constituer une belle occasion de réfléchir à la question et d'en discuter avec ses proches.


Références :
Transplant Québec (2013) Foire aux questions. Consulté sur le 1 février 2014.

Éducaloi (2013) Le consentement au don d’organes : comment ça fonctionne? Consulté le 1er février 2014.

Centre hospitalier affilié universitaire de Québec. (n. d.) Don d'organes et de tissus. Consulté le 1er février 2014.

Société canadienne de pédiatrie. (2013)  Document de principes:Le recours aux nouveau-nés anencéphales comme donneurs d'organes. Consulté le 1er février 2014.

Cameron, D. (2012) Semaine nationale du don d'organes: cri d'un coeur mécanique. La Presse. Consulté le 1er février 2014