21 décembre 2012

Noël, Marie et l'allaitement en public

Avec Noël qui approche, j'ai choisi d'aborder un thème légèrement différent: la présence de l'allaitement dans l'imagerie religieuse.

Dès l'Antiquité, la plupart des peuples ont cherché à représenter la mère allaitant son bébé. On n'a qu'à penser à Héra dont le réflexe d'éjection a créé la Voie Lactée selon les Grecs ou à la déesse égyptienne Isis souvent représentée allaitant son fils Horus. L'arrivée du christianisme n'a pas changé ce besoin de dépeindre cette relation particulière entre une mère et son enfant.

Par exemple, sous la période romaine, les temples dédiés à Isis en Égypte ont été convertis en église et Marie allaitant Jésus a pris la place d'Isis allaitant Horus. Ce type de conversion s'est tranquillement répandu au proche Orient et a beaucoup influencé entre autres la réalisation de plusieurs icônes, ces peintures propres à l'époque byzantine.

En effet, l'image de Marie allaitant Jésus s'est répandue dans tout l'Empire byzantin puis dans les Balkans et en Europe au douzième siècle.

Par ailleurs, si au départ les images de Marie se concentrent davantage sur sa virginité et sa sainteté, les peintures plus tardives la représentent davantage comme une femme ordinaire: plus humaine, plus maternelle. La représentation de Marie avec un sein exposé nourrissant Jésus met l'emphase sur le rôle de mère de la Vierge Marie et se veut, en quelque sorte, un modèle maternel pour la société de l'époque où l'allaitement était souvent perçu comme une affaire de nourrices. 

Cette observation est également vraie à l'époque de la Renaissance où les femmes aisées ne considèrent pas l'allaitement comme un idéal à atteindre. D'une certaine façon, ces peintures sont peut-être la première forme de promotion de l'allaitement.

Ainsi, à travers les siècles, l'allaitement est devenu une tradition symbolique, un modèle de maternité véhiculé par les religieux. Malheureusement, déjà à l'époque, la dualité entre le sein nourricier et le sein sexuel a remis en question le droit de représenter l'allaitement en public. Par conséquent, au moment de la Contre-réforme, et bien avant Facebook, l'Église Catholique a décrété que les représentations de la Vierge Marie allaitant Jésus n'avaient plus leur place pour décorer les églises. Une idée qui s'est étendue à l'allaitement en public en général et qui perdure encore, presque 500 ans plus tard.

Il s'agissait de mon dernier billet pour l'année 2012. Je serai heureuse de vous retrouver dès janvier 2013.  D'ici là, passez de Joyeuses Fêtes!

Référence:
Gkegkes ID, Darla VM, Iavazzo C. (2012) Breastfeeding in Byzantine icon art. Arch Gynecol Obstet. 286(1):71-3. doi: 10.1007/s00404-012-2252-3. Epub 2012 Feb 25.

19 décembre 2012

La définition de l'allaitement peut-elle influencer la qualité des études?

Depuis quelques décennies, l'allaitement est de plus en plus étudié par les chercheurs à travers le monde. Toutefois, malgré le nombre d'articles publiés, on a encore beaucoup de difficultés à atteindre des consensus sur divers aspects. Pour certains professionnels, l'explication de cette situation réside dans la façon de définir le type d'allaitement.

En effet, pour comparer les résultats de deux études portant sur un même sujet, il est important de savoir si les enfants étudiés ont été alimentés de la même façon. Par exemple, un enfant allaité exclusivement qui ne reçoit rien d'autre que le lait de sa mère (et certains suppléments et médicaments) ne réagira peut-être pas de la même façon qu'un enfant qui est nourri au sein mais qui reçoit aussi du lait d’origine animale ou de la préparation pour nourrisson. Malheureusement, dans bien des études, il peut être difficile de déterminer le mode d'alimentation exacte des bébés étudiés.

Cette observation a d'ailleurs été confirmée par des chercheurs de la Caroline du Nord qui ont entrepris de réviser plusieurs articles sur l'allaitement publiés dans différents journaux scientifiques pour déterminer la qualité des définitions utilisées. D'après leurs résultats, disponibles sur le site de la revue Breastfeeding Medicine, la majorité des articles publiés (68%) contiennent des termes indicateurs du mode d'allaitement dans leur méthodologie toutefois ces termes sont rarement définis (28%).

Selon ces chercheurs, il y a encore place à l'amélioration pour s'assurer que le type d'allaitement soit défini de façon plus systématique dans les études abordant la lactation. Ceux-ci suggèrent même la création d'un groupe international de travail sur la question. Pourtant, en 1991, l'Organisation mondiale de la santé avait déjà procédé à l'élaboration de définitions officielles de certains termes d'allaitement dans son document intitulé Indicateurs servant à évaluer les modes d'allaitement maternel. Ce document a de plus été révisé en 2007.

La situation actuelle dénote donc un manque de rigueur navrant dans l'élaboration des études concernant la lactation. Des définitions claires et précises des indicateurs du mode d'allaitement sont pourtant indispensables à l'avancement des connaissances dans le domaine. Sinon, les différentes études continueront de présenter des résultats contradictoires ce qui rend malheureusement difficile l'analyse de l'évolution de la situation de l'allaitement à travers le monde.

Références:
Organisation mondiale de la santé (2009) Indicateurs pour évaluer les pratiques d’alimentation du nourrisson etdu jeune enfant. Consulté en ligne le 18 décembre 2012.

Miriam H. Labbok and Ali Starling. (2012) Definitions of Breastfeeding: Call for the Development and Use of Consistent Definitions in Research and Peer-Reviewed Literature. Breastfeeding Medicine. December 2012, 7(6): 397-402. doi:10.1089/bfm.2012.9975.

17 décembre 2012

Question de la semaine: Quels sont les facteurs de risque de développer du diabète de grossesse?

Cette semaine, je réponds à la question de Soraya Hrehorowski qui s'interroge sur les facteurs de risque de développer du diabète de grossesse et, en particulier si "une hypertriglycéridémie que l'on a avant la grossesse peut aboutir au diabète gestationnel".

Le diabète est une maladie se caractérisant par un taux de sucre sanguin trop élevé. Ce taux trop élevé est dû à un problème en rapport avec l'insuline, l'hormone responsable de faire pénétrer le glucose (un sucre simple) dans les cellules et d'ainsi faire diminuer la quantité de sucre dans le sang. Le problème peut être au niveau de la production de l'insuline ou de son activité.

Plus particulièrement, le diabète de grossesse est une condition d'intolérance au glucose qui est détectée pour la première fois pendant la grossesse. Selon des études épidémiologiques, de 2 à 6 % des futures mères développeront du diabète gestationnel. Toutefois, plusieurs facteurs peuvent augmenter les risques pour une femme de développer cette condition.

Il y a d'abord les facteurs non-modifiables comme un âge plus avancé ou la présence d'un historique de diabète de type 2 dans la famille. Le poids de la mère à la naissance ainsi que sa taille auraient également un impact. En effet, les mères qui étaient des bébés de petits poids et celles qui sont de petites tailles ont plus de risque de développer du diabète gestationnel. Enfin, les femmes souffrant du syndrome des ovaires polykystiques sont également plus à risque.

Il y a ensuite les facteurs modifiables. Ainsi, les femmes obèses ont plus de risques de développer du diabète gestationnel, tout comme les femmes qui font peu d'exercice physique. Par ailleurs, il semblerait que la consommation de gras saturés pendant la grossesse influencerait le développement du diabète alors que la consommation d'acides gras polyinsaturés aurait un effet protecteur. Un manque de vitamine D ou C pourrait augmenter les risques de diabète gestationnel selon certaines études.

La diète avant la grossesse serait également un facteur non-négligeable. Un régime de type occidental (viande rouge, viandes transformées, produits céréaliers raffinés, sucreries, frites et pizza) de même que les boissons sucrées seraient donc préjudiciables alors qu'un régime sain (grande quantité de fruits, légumes verts feuillus, volaille, poisson) et une consommation élevée de fibres alimentaires seraient protecteurs.

Dans cette optique, l'hypertriglycéridémie retient aussi notre attention puisqu'il s'agit du taux de triglycérides (le type de gras le plus abondant de l'organisme) dans le sang. On sait par ailleurs que celui-ci peut être influencé par le gain de poids et les habitudes alimentaires. Dans une étude parue en 2010, des chercheurs ont remarqué qu'une hypertriglycéridémie associée à l'obésité abdominale pendant le premier trimestre pouvait augmenter les risques de développer une intolérance au glucose plus tard dans la grossesse.

En conclusion, plusieurs facteurs peuvent augmenter le risque de vivre du diabète gestationnel. Si certains sont difficilement modifiables, d'autres comme les habitudes alimentaires et l'exercice physique peuvent être modifiés pour diminuer les possibilités de développer ce type de condition.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références:
Galtier, F.(2010) Definition, epidemiology, risk factors. Diabetes & Metabolism, 36: 628-651.

Cuilin Zhang and Yi Ning. (2011) Effect of dietary and lifestyle factors on the risk of gestational diabetes: review of epidemiologic evidence. Am J Clin Nutr. 94(6 Suppl): 1975S–1979S.

Diane Brisson, Patrice Perron, Simon-Pierre Guay, Daniel Gaudet, and Luigi Bouchard. (2010) The “hypertriglyceridemic waist” phenotype and glucose intolerance in pregnancy. CMAJ. 182(15): E722–E725.

14 décembre 2012

Asthme, allergie et césariennes: un sujet complexe

Dans quelques billets précédents, j'ai abordé le lien possible entre la naissance par césarienne et l'asthme. La théorie veut en effet que le type de naissance influence la flore microbienne du nouveau-né, ce qui pourrait alors le prédisposer à développer de l'asthme plus tard dans sa vie.

Toutefois, plusieurs résultats contradictoires ont été publiés récemment sur le sujet. En effet, l'effet de la césarienne sur le développement de l'asthme ou des allergies semble varier beaucoup selon la présence ou non d'un historique d'allergie dans la famille du nouveau-né. C'est d'ailleurs sur cet aspect que s'est penchée une équipe de chercheurs dans le cadre d'une nouvelle étude parue dans le journal BMC Pediatrics.

Ces chercheurs de la république de Chypre ont en effet recruté 2216 enfants âgés entre 7 et 9 ans. Ils ont alors demandé à leurs parents de répondre à un questionnaire sur le type de naissance de même que sur la présence ou non d'asthme et d'allergie chez ces enfants et dans leur famille. 

Selon les réponses obtenues, 31,6 % des 2216 enfants étudiés étaient nés par césarienne et 37 % d'entre eux avaient un historique d'allergie dans leur famille. Par ailleurs, 746 de ces enfants ont également été soumis à un test cutané d'allergies en milieu hospitalier.

L'analyse des données a permis de démontrer une fois de plus que les enfants nés par césarienne souffraient plus souvent d'asthme et de respiration sifflante que les enfants nés vaginalement. Par ailleurs, cette association n'était pas influencée par l'historique familial d'asthme.

Chez les tous enfants ayant subi un test cutané d'allergie, ceux nés par césarienne avaient plus souvent un résultat positif que ceux nés vaginalement. Cet effet était par contre plus important lorsqu'on étudiait seulement les enfants provenant de familles avec un historique d'allergie. Au contraire, si on se concentrait sur les enfants provenant de familles sans allergie, la césarienne ne semblait pas avoir d'effet.

Selon les chercheurs, les enfants provenant de familles allergiques pourraient avoir un système immunitaire qui se développe différemment et qui n'a donc pas la même sensibilité au contexte entourant la naissance.

Cette étude confirme donc le lien existant entre la césarienne et des conditions comme l'asthme et les allergies. Toutefois, elle démontre aussi la complexité de ce type de recherche. En effet, plusieurs facteurs peuvent être associés à l'asthme et aux allergies. Il est donc important d'en tenir compte lorsqu'on évalue la portée de ce type de résultats. De plus, une analyse plus complète du phénomène permettra de mieux cibler les nouveau-nés à risque et d'intervenir en conséquence.

Référence:
Kolokotroni et al. (2012) Asthma and atopy in children born by caesarean section: effect modification by family history of allergies – a population based cross-sectional study. BMC Pediatrics 12:179.

12 décembre 2012

Des ateliers prénataux nouveau genre

L'accouchement est un évènement important dans la vie d'une femme. Malheureusement, certaines mères ne se sentent pas satisfaites de la naissance de leur enfant. Ce sentiment est même parfois associé à un stress post-traumatique. Ces émotions sont souvent attribuées au fait que ces femmes ont l'impression d'avoir subi le travail plutôt que d'y avoir pris part activement. Pour cette raison, des professionnels australiens ont développé une nouvelle forme d'atelier prénatal pour aider à améliorer la satisfaction des femmes suite à leur accouchement.

Source: FreeDigitalPhotos.net
Les chercheurs australiens ont donc développé un atelier prénatal basé sur le principe de la pleine conscience. Ce type d'intervention vise à favoriser la conscience du moment présent lors d'une expérience particulière et ce dans une attitude exempte de jugement. Cette approche est d'ailleurs utilisée dans certaines formes de psychothérapie.

L'atelier prénatal consistait donc en huit sessions avec un éducateur prénatal spécialisé en yoga et en méditation. De plus, les couples recrutés dans le cadre de ces ateliers devaient pratiquer quotidiennement la méditation à la maison et faire des lectures éducatives prénatales.

Au total, 18 femmes ont participé à ce programme et ont ensuite répondu aux questions des chercheurs pour discuter de leur expérience d'accouchement.

Selon ces femmes, la participation à l'atelier prénatal leur a permis de développer un sentiment de prise de contrôle en leur permettant d'identifier leur propre potentiel. En fait, suite à cet atelier, les mères rapportent avoir développé une grande confiance en leurs corps et en leur bébé.

Au moment de l'accouchement, ce sentiment s'est traduit par une participation active au travail. Entre autres, les femmes disaient s'être senties plus à l'aise d'émettre leur opinion face aux suggestions de l'équipe médicale. Globalement, les professionnels de la santé auraient eu une réponse favorable à cette nouvelle attitude en traitant les mères avec respect et en répondant avec honnêteté à leurs questions. L'équipe médicale semblait aussi prête à accommoder les mères dans leurs demandes, quoique certains intervenants semblaient moins à l'aise devant ces patientes plus actives que passives.

Enfin, notons que même les mères qui ont vécu des complications lors de l'accouchement (par exemple une césarienne) rapportaient s'être senties en contrôle et satisfaites de leur expérience.

Les auteurs de cette étude concluent donc que des ateliers prénataux basés sur l'approche de la pleine conscience ont un potentiel intéressant pour aider les futures mères à être bien préparées pour l'accouchement et ainsi vivre une expérience plus gratifiante lors de la naissance de leur enfant.

Référence:
Fisher C, Hauck Y, Bayes S, Byrne J. Participant experiences of mindfulness-based childbirth education: a qualitative study. BMC Pregnancy Childbirth. 2012 Nov 13;12(1):126. [Epub ahead of print]

10 décembre 2012

Question de la semaine: Les échographies pendant la grossesse sont-elles sécuritaires?

Aujourd'hui, je réponds à la question de Soraya Hrehorowski : "Je souhaiterais savoir si l'échographie est vraiment bénigne pour un foetus ou pas."

Les échographies obstétricales se sont répandues très rapidement pendant les cinquante dernières années. Puisque qu'il n'existe pas de preuves cliniques démontrant des effets négatifs associés aux échographies pendant la grossesse, plusieurs professionnels de la santé estiment que leur utilisation est sécuritaire.

Toutefois, puisqu'ils sont une forme d'énergie, les ultrasons utilisés lors d'une échographie ont le potentiel d'avoir un effet biologique et donc certains risques pour la santé. Malheureusement, à ce jour, il existe peu d'études sur la sécurité de l'utilisation des ultrasons pendant la grossesse humaine.

Une équipe de chercheurs travaillant pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a donc entrepris de faire une étude systématique de la littérature existant sur le sujet. Ils ont ainsi révisé 41 études dont la qualité variait de moyenne à bonne.

Ils ont alors déterminé que les échographies obstétricales n'avaient pas d'impact marqué sur les aspects suivants: l'admission de la mère à l'hôpital, le taux de complications lors du travail ou de l'accouchement, le déclenchement avant terme du travail, le poids de naissance du bébé, l'APGAR, le besoin de réanimation pour le nouveau-né, l'admission du bébé aux soins intensifs, la mortalité périnatale, les problèmes neurologiques, les cancers infantiles, le comportement et le développement de l'enfant ou son rendement académique.

Par contre, certaines études ont noté un risque plus élevé de malformations cardiaques quoique les associations étaient plutôt faibles et que plusieurs facteurs semblaient influencer ces résultats. De plus, quelques études ont noté un effet sur la taille des bébés à la naissance mais ceux-ci semblaient rattraper ce retard avant l'âge d'un an. Par ailleurs, une légère augmentation de la dyslexie et des données contradictoires sur le développement du langage ont aussi été notés mais les auteurs de ces études croient que ces observations pourraient être dues à d'autres complications non associées aux échographies. Enfin, il semblerait que les garçons exposés aux ultrasons auraient plus tendance à être gaucher.

Selon des chercheurs africains, toutes ces données laissent donc croire que les ultrasons pourraient avoir de subtils effets neurologiques.

Les chercheurs de l'OMS, quant à eux, concluent que les échographies obstétricales ne semblent pas associées à des effets secondaires importants autant au niveau du travail et de l'accouchement que chez la mère ou le bébé. Ils recommandent donc de considérer cet outil diagnostic comme généralement sécuritaire. Ils mentionnent toutefois que les professionnels devraient être très vigilants pour minimiser le plus possible l'exposition des foetus aux ultrasons.

En effet, ces mêmes chercheurs reconnaissent qu'il existe encore beaucoup d'aspects méconnus concernant l'utilisation des ultrasons pendant la grossesse. Par exemple, peu d'études se sont penchées sur l'impact de l'intensité des ultrasons et sur la durée des examens. Cela est d'autant plus important que depuis quelques années, la puissance des appareils a été multipliée par huit fois en comparaison avec des appareils plus anciens. De plus, on ne connaît pas bien l'effet cumulatif que pourraient avoir les échographies répétitives pendant la grossesse.

En conclusion, certains chercheurs font remarquer avec justesse que l'histoire de la médecine est parsemée de techniques que l'on croyait d'abord sécuritaires pour finalement remarquer des effets secondaires à long terme. Ces chercheurs réclament donc des études plus poussées et sur de longues périodes de temps pour mieux déterminer la sécurité des échographies. D'ici là, cette technique devrait être utilisée avec vigilance en tentant de diminuer au maximum l'exposition du foetus aux ultrasons.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références:
Bello SO, Ekele BA. On the safety of diagnostic ultrasound in pregnancy: Have we handled the available data correctly?. Ann Afr Med 2012;11:1-4

Torloni MR, Vedmedovska N, Merialdi M, Betrán AP, Allen T, González R, Platt LD; ISUOG-WHO Fetal Growth Study Group. (2009) Safety of ultrasonography in pregnancy: WHO systematic review of the literature and meta-analysis. Ultrasound Obstet Gynecol. 33(5):599-608.

7 décembre 2012

Les tabous peuvent-ils affecter la durée de l'allaitement?

L'Organisation mondiale de la santé recommande aux femmes d'allaiter exclusivement leur bébé jusqu'à l'âge de six mois puis, après l'introduction des aliments complémentaires, de poursuivre l'allaitement jusqu'à deux ans et au delà. Pourtant, lorsqu'on observe les taux d'allaitement, on réalise que ces objectifs sont bien loin d'être atteints. Ainsi, au Québec, seulement 50,7% des mères ayant initié l'allaitement allaitent toujours 6 mois après la naissance de leur enfant et seulement 13 % lorsque leur bébé atteint l'âge d'un an.

Le phénomène étant similaire au Royaume-Uni, des chercheurs britanniques ont, d'une part, interrogé des mères ayant allaité pour plus de six mois pour déterminer si leur vécu pourrait expliquer la situation actuelle. D'autre part, ils ont discuté avec 1319 femmes enceintes et mères d'enfants de 0 à 2 ans pour connaître leur attitude face à l'allaitement prolongé.

D'après les résultats publiés sur le site de la revue Breastfeeding Medicine, la plupart des mères ayant allaité pour plus de six mois ont été exposées à des attitudes négatives ou à des critiques venant de leur entourage. On faisait sentir à ces femmes que l'allaitement prolongé était quelque chose de risible, de bizarre ou même d'inutile. Cette observation laisse donc supposer que certaines mères choisissent peut-être de sevrer parce qu'elles se sentent marginales de poursuivre l'allaitement plus que quelques mois.

Par conséquent, selon les mères interrogées, au lieu de promouvoir l'allaitement prolongé, on devrait plutôt en faire quelque chose de normal. Cette forme d'éducation devrait aussi cibler davantage les professionnels de la santé et la société que les mères elles-mêmes.

Enfin, selon ces mères, une bonne façon d'atteindre cet objectif serait d'augmenter la représentation visuelle de l'allaitement de bambins, d'informer davantage et ainsi faire disparaître le tabou existant à propos de l'allaitement prolongé.

Les conclusions de cette étude peuvent sans contredit s'appliquer ici. Dans un contexte social où la promotion de l'allaitement est de plus en plus remise en question, il est en effet nécessaire de s'interroger sur certaines incohérences de notre système de santé. Comment peut-on demander aux mères d'allaiter si on stigmatise ensuite celles qui choisissent de le faire plus que quelques mois? On oublie trop souvent que toute la société a un rôle à jouer pour créer un environnement favorable à l'allaitement.

Références:
Sally Dowling and Amy Brown. An Exploration of the Experiences of Mothers Who Breastfeed Long-Term: What Are the Issues and Why Does It Matter? Breastfeeding Medicine. -Not available-, ahead of print. doi:10.1089/bfm.2012.0057.

Lavoie A, Dumitri V. (2012) L'allaitement maternel: une pratique moins répandue au Québec qu'ailleurs au Canada. Institut de la statistique du Québec.


5 décembre 2012

L'expression de colostrum pendant la grossesse est-elle efficace et sécuritaire?

Le diabète peut avoir des impacts sur l'initiation de l'allaitement. En effet, les femmes souffrant de diabète de type I ont des risques plus élevés d'avoir une montée de lait retardée. De plus, les femmes diabétiques ont plus souvent un accouchement médicalisé et leur bébé risque d'être transféré dans une unité de soins spécialisés, ce qui peut être une barrière supplémentaire aux débuts de l'allaitement. 

Pour cette raison, on suggère parfois à ces femmes d'exprimer leur colostrum à partir de la trente-sixième semaine de grossesse pour se constituer une réserve qui pourra ensuite être utilisée en cas de besoin pour diminuer la quantité de lait artificiel reçue.

Toutefois, il existe peu de données scientifiques sur l'efficacité et la sécurité de cette technique. De plus certains experts s'interrogent sur la possibilité que cette méthode déclenche le travail étant donné que la stimulation des mamelons engendre une libération d'ocytocine, activant ainsi l'utérus.

Des chercheurs du Royaume-Uni ont donc tenté d'en savoir plus sur le sujet en recrutant 235 femmes enceintes et diabétiques. Ces femmes ont été suivies pendant leur grossesse selon la procédure standard. Elles ont donc reçu de l'information sur la régulation du taux de sucre, sur les politiques de contrôle du taux de sucre du nouveau-né et sur l'expression du colostrum pendant la grossesse de même que sur ses bénéfices.

Les femmes ont ensuite reçu un questionnaire vingt mois après la naissance de leur bébé. Sur les 235 femmes recrutées, à peine 94 ont renvoyées le questionnaire complété. De plus, seulement 35 % de ces femmes disaient se rappeler qu'on leur ait suggéré d'exprimer leur colostrum pendant la grossesse et parmi celles-ci 46 % ont choisi de suivre cette recommandation. Globalement, 16 femmes ont exprimées leur colostrum pendant la grossesse.

Les chercheurs ont ainsi remarqué que l'expression du colostrum pendant la grossesse n'avait pas d'impact sur la durée de l'allaitement mais que les femmes l'ayant fait étaient plus nombreuses à avoir initié l'allaitement (100% vs 86 %). Par contre, celles-ci ont accouché plus tôt (37,1 semaines de grossesse vs 38,2 semaines) et leurs bébés ont été plus souvent admis dans une unité de soins spécialisés.

Les résultats de cette étude ne semblent donc pas très encourageants. En effet, d'après ces données, non seulement l'expression du colostrum pendant la grossesse ne protège pas le bébé de l'admission aux soins spécialisés mais elle augmenterait aussi les risques de déclencher le travail prématurément.

Toutefois, avant de conclure, il faut se pencher sur les limites de cette étude. D'une part, le groupe de femmes étudiées est très petit. Pour cette raison, plusieurs de ces données ont peu de signification statistique. De plus, d'après les résultats présentés, ce groupe ne semblait pas très uniforme, ce qui complique l'interprétation des données. D'autre part, les données obtenues reposent presque exclusivement sur les souvenirs des mères et ce, 20 mois après leur accouchement. On ne peut donc être certain que les données étudiées représentent bien ce qui s'est réellement passé au moment de la grossesse et de l'accouchement. Par exemple, bien qu'on mentionne que ces femmes ont reçu un suivi standard où il est question de l'expression prénatale du colostrum, seulement 35 % d'entre elles s'en rappelaient.

En conclusion, pour vraiment bien connaître l'efficacité et la sécurité de l'expression du colostrum pendant la grossesse chez les mères diabétiques, d'autres études plus rigoureuses devront être menées.

Référence:
Soltani H, Scott A. (2012) Antenatal breast expression in women with diabetes: outcomes from aretrospective cohort study. International Breastfeeding Journal, 7:18.


3 décembre 2012

Question de la semaine: Les relations sexuelles peuvent-elles provoquer le travail?

Aujourd'hui, je réponds à la question de Karine Murphy: "Quoi penser d'une nouvelle étude concluant que les relations sexuelles ne provoquent pas le travail?"

En théorie, il serait possible que les relations sexuelles déclenchent le travail pour diverses raisons. D'un part, le sperme contient des prostaglandines E, des substances utilisées pour favoriser la maturation du col de l'utérus. Deuxièmement, on sait que la stimulation des seins peut déclencher le travail dans certaines situations. Enfin, l'orgasme stimule aussi l'activité de l'utérus.

Toutefois, dans l'étude dont il est question aujourd'hui, des chercheurs de la Malaisie arrivent à la conclusion que les femmes à qui l'ont suggère d'avoir des relations sexuelles plus souvent pour provoquer l'accouchement n'ont pas un déclenchement de travail plus tôt que les femmes à qui l'ont dit tout simplement que les relations sexuelles sont sécuritaires pendant la grossesse.

Avant d'analyser plus à fond la signification de ces résultats, il est intéressant de savoir que cette étude n'est pas la première à se pencher sur le sujet.

En 2006, la même équipe de chercheurs a demandé à 200 femmes de tenir un journal de leurs relations sexuelles à partir de la trente-sixième semaine de grossesse et ont conclu que les femmes qui avaient des relations sexuelles plus fréquentes avaient un déclenchement du travail plus tôt et avaient moins besoin d'une induction à 41 semaines. Notons que les auteurs ont tenu compte de plusieurs facteurs dans leur analyse comme l'ethnicité, le niveau de scolarité, la profession, la perception concernant la sécurité des relations sexuelles et l'âge du partenaire.

Par la suite, en 2007, un chercheur américain a étudié 93 femmes dont la moitié rapportait avoir eu des relations sexuelles dans la semaine précédente. On a alors évalué la dilatation, l'effacement, la consistance et la position du col de ces femmes de même que la position de leur bébé pour déterminer leurs chances d'entrer en travail spontanément. Les auteurs ont ainsi conclu que les femmes ayant eu des relations sexuelles avaient moins de chances d'entrer spontanément en travail. De plus, celles-ci ont donné naissance plus tard que les femmes qui n'avaient pas eu de relations sexuelles.

Toujours en 2007, les chercheurs Malaysiens sont revenus à la charge en utilisant une autre approche pour étudier le phénomène. Ils ont donc recruté des femmes qui devaient subir une induction non-urgente du travail lorsqu'elle serait à terme. Cent huit de ces femmes ont été choisies au hasard pour être encouragées à avoir des relations sexuelles pour provoquer le travail. Les 102 femmes restantes n'ont été ni encouragées, ni découragées d'avoir des relations sexuelles. L'analyse a révélé que si les femmes du groupe encouragé à avoir des relations sexuelles avaient eu plus de relations avec leur conjoint (60,2 % vs 39,6%), elles n'avaient toutefois pas un taux significativement plus haut de déclenchement spontané du travail (55,6% vs 52 %).

Par la suite, en 2009, les mêmes chercheurs ont repris les données de cette expérience mais cette fois en séparant les participantes en deux groupes, celles qui avaient eu des relations sexuelles vs celles qui n'en avaient pas eu. De façon surprenante, ils ont alors remarqués que les femmes qui avaient eu des relations sexuelles, avaient légèrement moins de chance de vivre un déclenchement spontané du travail que les femmes qui n'en avaient pas eu. Par ailleurs, le fait d'avoir eu ou non un orgasme ne semblait pas avoir d'impact sur le déclenchement spontané du travail.

Ce qui nous mène enfin à l'étude qui vient tout juste de paraître en 2012. Les chercheurs malaysiens ont alors repris à peu près la même méthodologie qu'en 2007 mais en utilisant cette fois un échantillon de femmes beaucoup plus important. Ils ont donc recrutés des femmes se trouvant à 35 semaines de gestation. On a dit à 574 de ces femmes (choisies au hasard) que les relations sexuelles étaient un moyen sécuritaire, naturel et efficace de déclencher le travail. On a ensuite dit aux 576 femmes restantes que les relations sexuelles étaient sécuritaires pendant la grossesse. Les femmes du premier groupe ont été significativement plus nombreuses à avoir des relations sexuelles (83,5% vs 79,9%) et la fréquence des relations sexuelles étaient aussi plus élevée dans ce groupe (3 vs 2). Malgré tout, ces femmes n'ont pas accouché plus tôt que celles du groupe contrôle (39,4 semaines vs 39,5 semaines) et le taux d'induction artificiel du travail n'était pas plus bas (22% vs 20,8%).

Ces nombreuses études semblent donc démontrer une chose: l'effet des relations sexuelles sur le déclenchement du travail est encore loin d'être clair. Dans certains cas, les relations sexuelles accélèrent le travail, dans d'autres elles le ralentissent et dans le troisième cas, elles n'ont tout simplement pas d'effet. Le résultat semble en fait beaucoup dépendre de la façon dont les chercheurs analysent leurs résultats.

En conclusion, nous somme encore loin d'avoir une réponse satisfaisante à cette question et le débat ne semble donc pas être terminé.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.




Références:
Tan PC, Andi A, Azmi N, Noraihan MN. (2006) Effect of coitus at term on length of gestation, induction of labor, and mode of delivery. Obstet Gynecol. 108(1):134-40.

Schaffir J. (2006) Sexual intercourse at term and onset of labor. Obstet Gynecol.107(6):1310-4.

Tan PC, Yow CM, Omar SZ. (2007) Effect of coital activity on onset of labor in women scheduled for labor induction: a randomized controlled trial. Obstet Gynecol. 110(4):820-6.

Tan PC, Yow CM, Omar SZ.(2009) Coitus and orgasm at term: effect on spontaneous labour and pregnancy outcome. Singapore Med J.50(11):1062-7.