16 juillet 2012

Question de la semaine: Le sevrage est-il nécessaire lors d'une procédure de procréation assistée?

Aujourd'hui, je réponds à la question de Céline de Montmollin: "Est-ce possible de poursuivre l'allaitement pendant une procédure de procréation médicale assistée?"

La fertilité pendant l'allaitement est un sujet déjà complexe puisque la reproduction et la lactation sont deux processus intimement liés. On peut donc deviner que cela devient plutôt compliqué lorsqu'on parle de traitements de procréation assistée.

D'une part, l'allaitement étant un moyen de contraception naturelle, certaines femmes ont de la difficulté à concevoir si elles allaitent toujours. Bien souvent, le retour de la fertilité n'a lieu que lorsque le nombre et la durée des tétées diminuent de façon significative. Selon certains chercheurs, il y a très peu de possibilités de grossesse lorsqu'on allaite plus de 3 à 4 fois par jour. On parle bien sûr de tétées significatives et pas de tétées de réconfort. Par ailleurs, il semblerait que l'arrêt des tétées de nuit soit critique pour certaines femmes. Par conséquent, lorsqu'une femme allaite, l'infertilité peut être tout-à-fait normal et ne pas requérir de traitements particuliers. Lorsque l'enfant prendra le sein moins souvent, la fertilité reviendra d'elle-même.

D'autre part, les traitements d'infertilités requièrent souvent la prise de médicament très divers et certains professionnels de la santé s'interrogent sur la compatibilité de ces médicaments avec l'allaitement. Selon la cause de l'infertilité, les traitements, et donc les médicaments utilisés, peuvent varier.

Par exemple, certaines femmes ont des cycles très irréguliers et vont donc avoir besoin de prendre des médicaments stimulant l'ovulation comme le clomiphène (Clomid, Serophene) ou les gonadotrophines (Gonal-F, Follistim). Selon le livre Medications and Mother's Milk de Thomas Hale, le clomiphène et les gonadotrophines sont des médicaments classé L3, c'est-à-dire qu'il s'agit de médicaments modérément sécuritaires pour lesquels il n'y a toutefois pas d'études contrôlées chez les femmes allaitantes. Par ailleurs, selon Hale, on n'a pas rapporté de cas où ces médicaments s'étaient retrouvés dans le lait maternel mais ils pourraient diminuer la production de lait.

D'autres médicaments utilisés pour induire l'ovulation comme l'hormone gonadotrophine chorionique (hCG, Pregnyl, Novarel) peuvent également servir à régulariser la deuxième phase du cycle ovarien, ce qui permet l'implantation de l'embryon et la poursuite de la grossesse. Toujours selon Hale, ces médicaments se retrouvent aussi dans la catégorie L3 mais aucun effet sur les enfants allaités n'a été rapporté. En fait, on doute même qu'ils puissent être absorbés par le système digestif de l'enfant et se retrouver dans la circulation sanguine.

Les médicaments mentionnés plus haut peuvent aussi être utilisés avant une insémination artificielle ou une fécondation in vitro. Toutefois, lors de ce type de procédure, il est primordial que l'ovulation ait lieu au bon moment. Pour cette raison, on commence parfois en utilisant des médicaments pour empêcher une ovulation surprise comme l'hormone agoniste des gonadotrophines (Lupron)  ou l'hormone antagoniste des gonadotrophines (Ganirelix). Thomas Hale classe le Lupron dans la catégorie L5, c'est-à-dire contre-indiqué pendant l'allaitement, parce qu'il diminue significativement les taux de prolactine et pourrait donc diminuer la production de lait. Hale ne croit toutefois pas qu'il serait risqué pour l'enfant. Enfin, le Ganirelix (ou Cetrotide) se retrouve dans la catégorie L3 puisqu'il existe très peu d'études sur ce médicament. Hale juge cependant qu'il ne passe probablement pas dans le lait à cause de sa structure moléculaire et qu'il serait, de toute façon, peu absorbé par le système digestif de l'enfant.

En conclusion, lorsqu'une femme souhaite concevoir un autre enfant, elle devrait d'abord analyser son style d'allaitement actuel pour évaluer si cela pourrait expliquer son infertilité. Si l'allaitement n'est pas en cause et que des traitements s'imposent, il n'est peut-être pas nécessaire de sevrer l'enfant puisqu'aucun effet néfaste pour l'enfant allaité n'a été rapporté pour les médicaments utilisés en procréation assistée. De plus, considérant la structure de certains de ces médicaments, il est peu probable qu'ils réussissent à passer dans le lait maternel. Il est toutefois impossible de conclure avec certitude qu'il n'y a aucun risque pour l'enfant allaité à cause du peu d'études existant. De plus, on sait que ces médicaments peuvent dans certains cas diminuer la production de lait. Pour ces raisons, chaque femme devrait discuter avec son médecin pour évaluer les pour et les contre du sevrage et déterminer la meilleure voie à suivre dans sa situation.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.

Références:
Hale, T. H. (2010). Medications and Mothers’ Milk. Amarillo: Hale Publishing.

McNeilly AS, Glasier AF, Howie PW, Houston MJ, Cook A, Boyle H. (1983) Fertility after childbirth: pregnancy associated with breast feeding. Clin Endocrinol (Oxf).;19(2):167-73.

Strong Fertility Center. (2010) Medications Commonly Used in Fertility Treatments. University of Rochester Medical Center: Rochester. Consulté en ligne le 14 juillet 2012.