9 mars 2016

La vitamine D pendant la grossesse: le conte de deux communiqués

S’il y a un commentaire que j’entends souvent à propos de la recherche scientifique, c’est bien le fameux « de toute façon, bientôt une nouvelle étude va dire exactement le contraire ». Imaginez donc ma stupéfaction lorsque pendant ma revue de presse quotidienne j’ai lu « les suppléments de vitamine D pendant la grossesse pourraient aider les os des bébés d’hiver » suivi immédiatement par « les suppléments de vitamine D pendant la grossesse n’améliorent pas la santé des os ».

Le premier communiqué provient de l’Université de Southampton et résume une expérience conduite auprès de 1000 femmes enceintes. La moitié d’entre elles ont reçu 1000 unités internationales de vitamine D tous les jours de la 14e semaine de grossesse jusqu’à l’accouchement. Les autres ont reçu un placebo. Selon les auteurs de l’étude, les niveaux de vitamine D d’une mère diminuent pendant les mois d’hiver. Puisque les os durcissent plus particulièrement vers la fin de la grossesse, les bébés nés l’hiver profiteraient plus particulièrement de la supplémentation. Ils concluent en effet que « la vitamine D est sécuritaire et efficace pour augmenter les niveaux de vitamine D des mères dont les bébés sont nés pendant les mois d’hiver ».

Passons maintenant au deuxième communiqué. Celui-ci a été écrit par The Lancet. D’entrée de jeu, les auteurs mentionnent que « prendre des suppléments de vitamine D durant la grossesse, comme cela est recommandé à toutes les femmes selon les directives cliniques de la Grande-Bretagne n’a pas d’effet significatif sur la densité osseuse des bébés ». L’étude a été réalisée auprès de 1134 femmes enceintes qui ont été recrutées entre 14 et 17 semaines de grossesse. La moitié d’entre elles ont reçu 25 microgrammes de vitamine D tous les jours de la grossesse jusqu’à l’accouchement. Les autres ont reçu un placebo.

Je ne sais pas pour vous, mais moi, à ce moment, j’ai eu une étrange impression de déjà vu. En fait, dans le premier communiqué on peut lire que « l’analyse de tous les bébés nés pendant l’étude n’a pas démontré de différence de masse osseuse entre les bébés nés de mères qui ont pris un supplément et les bébés de mères qui ont pris un placebo ». Dans le deuxième, on mentionne également que « les résultats suggèrent que les suppléments de vitamine D pourraient être bénéfiques pour les bébés nés pendant les mois d’hiver ».

À tous ceux qui ont deviné que les deux communiqués parlent exactement de la même étude, j’accorde deux morceaux de robots. Il semble que l’Université de Southampton et The Lancet ont une vision bien différente de l’étude réalisée par un certain Cyrus Cooper et ses collègues ! De plus, The Lancet fait preuve de plus de précision (1134 femmes plutôt que 1000) et d'un plus grand souci de vulgarisation (25 microgrammes de vitamine D plutôt que 1000 unité internationales) dans la description de l'étude.

Alors, quelle leçon peut-on tirer tout ça ? D’abord, les départements de communication de ces deux institutions n’ont visiblement pas de grandes habiletés à communiquer entre eux. Un coup de téléphone ou un courriel aurait suffi à s’assurer que tout le monde dit la même chose !

Ensuite, il ne faut jamais se fier seulement à un titre. Sur les médias sociaux, il est très fréquent de voir des lecteurs commenter un sujet en se basant seulement sur le titre pour donner leur opinion. Cette étude sur la vitamine D illustre très bien pourquoi ce n’est pas une bonne idée.

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Sources:
University of Southampton. (2016, 1er mars). Pregnancy vitamin D supplementation may help winter baby's bones.