25 avril 2014

Le partage de lit à l'hôpital : une étude qui rate la cible

On parle beaucoup du partage de lit à la maison, mais plus rarement du partage de lit à l'hôpital dans les heures qui suivent la naissance. Un chercheur américain s'est penché sur la question et, comme on pouvait s'y attendre, ses conclusions sont... controversées!

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Pour se faire une idée de l'impact du partage de lit lors du séjour à la maternité, le scientifique a recensé 18 cas de bébés en santé qui sont morts (ou presque morts) en partageant le lit de leur mère entre 1999 et 2013. L'âge moyen du nourrisson au moment du décès était d'environ 24 heures et la suffocation accidentelle serait l'explication la plus probable dans la plupart des cas, souligne l'auteur. Dans 8 de ces cas, la mère se serait endormie en allaitant.

Fait intéressant, dans tous les cas étudiés, l'un des facteurs de risque pour la mort subite était présents : mère sous l'influence d'un sédatif (7 cas), présence d'oreillers ou de literie superflue (9 cas), obésité (2 cas), tabagisme (2 cas), emmaillotage (4 cas).

Selon le scientifique, avec l'apparition de l'Initiative amis des bébés qui encourage le contact peau-à-peau, le nombre de mères qui choisiront de partager le sommeil de leur enfant risque d'augmenter. Il s'inquiète donc de la sécurité des nourrissons, en particulier car il a observé que certains décès sont survenus lorsque la mère était éveillée ou qu'une autre personne était présente dans la pièce. La seule supervision des parents ne lui semble ainsi pas suffisante.

L'auteur propose donc quelques recommandations pour diminuer la fréquence de la mort subite pendant le séjour à la maternité. Si quelques-unes ont du sens (informer les parents des risques et enseigner aux mères à bien évaluer la respiration et l'état de leur nourrisson), d'autres sont un peu surréalistes.

Par exemple, il suggère de s'assurer que l'éclairage dans la chambre soit suffisant pour bien voir si le bébé respire, une méthode peut-être difficile à appliquer lors des tétées de nuit. De plus, lorsque la mère et le bébé sont en contact peau-à-peau, ils devraient être supervisés individuellement par une personne formée à cet effet. L'auteur reconnaît toutefois que les infirmières n'auront pas toujours pas le temps de jouer ce rôle. Pour cette raison, il propose de brancher les bébés sur un moniteur cardiaque qui serait relié au poste des infirmières!

L'UNICEF-UK a immédiatement réagi à cette étude un peu étrange. D'après l'organisme, les suggestions faites par ce chercheur ne sont pas supportées par des études pertinentes et ne reflètent même pas les données présentées dans cette étude. Celle-ci comporterait d'ailleurs plusieurs lacunes : manque d'information sur les causes du décès et sur le type d'alimentation du bébé, utilisation interchangeable des termes peau-à-peau et partage du lit de même qu'absence de contrôle des facteurs confondants.

Cette nouvelle étude qui est basée sur de bonnes intentions n'aura malheureusement pas les effets escomptés. Au lieu de mettre en lumière les facteurs de risques qu'il faut surveiller lors du partage de lit en milieu hospitalier, l'auteur propose des idées farfelues qui compliquent la pratique du peau-à-peau inutilement. Une façon à peine voilée de dissuader les familles d'utiliser cette méthode qui a pourtant fait ses preuves pour favoriser l'attachement et l'allaitement.

Références :
Thach BT.(2014) Deaths and near deaths of healthy newborn infants while bed sharing on maternity wards. J Perinatol. 2014 Apr;34(4):275-9. doi: 10.1038/jp.2013.184. Epub 2014 Jan 30.

The Baby Friendly Initiative. (n. d.) Deaths and near deaths of healthy newborn infants while bed sharing on maternity wards. UNICEF UK