7 mars 2014

Des anticorps à tout faire

Lorsqu'on parle des anticorps, on pense souvent à des armes de destruction massive qui ne font qu'une bouchée des bactéries. Des scientifiques américains croient toutefois que la situation serait un peu plus complexe pour les anticorps se trouvant dans le lait maternel, les sIgA.

Selon les chercheurs, ces anticorps agiraient en effet sur plusieurs tableaux pour protéger le nouveau-né des infections et des maladies intestinales. Par exemple, ils stimuleraient la maturation des cellules de surface de l'intestin tout en favorisant directement la création d'une flore bactérienne de qualité.

Les IgA
Pour arriver à ces conclusions, l'équipe américaine a modifié génétiquement des souris et ainsi produit des femelles avec un lait ne contenant pas de sIgA. Cette approche permet d'étudier exclusivement le rôle de ces anticorps et non pas du lait maternel en entier. Celui-ci renferme en effet une multitude de molécules actives et il est donc difficile d'établir quelle composante est responsable de quelle propriété spécifique.

Les chercheurs ont remarqué que les souris qui avaient reçu un lait sans sIgA avaient une flore bactérienne très différente des autres. En fait, au moins 80 types de bactéries étaient présentes seulement dans un des deux groupes analysés.

De plus, les cellules intestinales des souris qui n'ont pas été exposées aux sIgA n'exprimaient pas les mêmes gènes que les autres souris. Ceux activés par les sIgA seraient très importants pour permettre aux cellules intestinales de se reproduire rapidement et de maintenir l'intégrité de la paroi de l'intestin lorsqu'elle est attaquée.

Ces deux particularités influenceraient la lutte contre les microbes. Les chercheurs ont en effet remarqué que chez les souris qui ont reçu du lait sans sIgA, certaines bactéries traversaient plus facilement la barrière de l'intestin et arrivaient à se rendre jusque dans les ganglions lymphatiques. Les sIgA protègeraient donc le nouveau-né contre l'invasion par certains pathogènes. Selon les chercheurs, les sIgA du lait maternel seraient nécessaires jusqu'à ce que le bébé puisse produire lui-même ce type d'anticorps.

Certains anticorps du lait maternel agissent donc de concert avec les bonnes bactéries de l'intestin pour en assurer l'équilibre. En plus d'offrir une protection contre les pathogènes, les scientifiques proposent que les sIgA pourraient aussi diminuer le développement de certaines maladies allergiques ou inflammatoires. Pas étonnant qu'on leur prête un rôle central pour protéger les nouveau-nés.

Référence:
Rogier EW1, Frantz AL, Bruno ME, Wedlund L, Cohen DA, Stromberg AJ, Kaetzel CS.(2014) Secretory antibodies in breast milk promote long-term intestinal homeostasis by regulating the gut microbiota and host gene expression. Proc Natl Acad Sci U S A. 111(8):3074-9. doi: 10.1073/pnas.1315792111. Epub 2014 Feb 3.