25 juin 2012

Question de la semaine: Devrait-on attendre d'avoir les seins bien pleins avant d'allaiter?

Aujourd'hui, j'aborde un sujet proposé par Chantal Lavigne, IBCLC: l'impact de l'accumulation de lait dans le sein sur la production lactée.

Parmi les mythes qui perdurent dans le monde de l'allaitement, il y a la suggestion d'attendre que les seins soient bien pleins avant d'allaiter le bébé. Malheureusement, ce conseil est non seulement sans fondement mais aussi nuisible à la production de lait.

Cela vient du fait que la glande mammaire est une glande exocrine, c'est-à-dire qu'elle sécrète une substance (le lait maternel) à l'extérieur du corps de la femme. Toutefois, elle a ceci de particulier qu'elle doit stocker le lait jusqu'à ce que le bébé soit prêt à le boire. Pour éviter que l'augmentation du volume de lait dans le sein ne cause des dommages aux tissus, il existe un mécanisme permettant aux seins d'éviter la surproduction lorsque le bébé ne tète pas aussi souvent qu'il le devrait. 

On croit que ce mécanisme implique une molécule qui se retrouverait dans le lait maternel et qui pourrait ralentir la production de lait. Celle-ci serait produite par les cellules épithéliales de la glande mammaire et exercerait son action sur ces mêmes cellules en se liant à un récepteur à leur surface.

L'identité de la molécule en question a longtemps été inconnue puis, on a cru pendant un certain temps qu'il s'agissait d'une protéine appelée FIL (feedback inhibitor of lactation). Toutefois, les experts remettent de plus en plus en question l'existence de cette protéine qui n'a jamais été clairement isolée et caractérisée.

Les plus récentes études proposent plutôt que la sérotonine serait une des molécules ayant pour rôle d'empêcher la surproduction du lait. Ce neurotransmetteur impliqué au niveau du système nerveux serait en effet produit par la glande mammaire et se retrouverait dans le lait maternel.

Donc, lorsque le lait s'accumule dans le sein, la sérotonine s'accumule aussi et la production de lait ralentit. Par ailleurs, notons que ce facteur n'est pas le seul responsable du ralentissement de la production de lait. La déformation des cellules de la glande mammaire, par la pression du lait accumulé, aurait aussi cet effet.

En conclusion, lorsqu'on laisse le lait s'accumuler dans les seins, on diminue du même coup la production lactée. Par conséquent, il est préférable d'allaiter fréquemment et de suivre les signaux du bébé. C'est la meilleure façon de s'assurer que notre corps produira tout le lait dont l'enfant a besoin.

Références:
Riordan, J., & Wambach, K. (2010). Breastfeeding and Human Lactation (4th ed.). Sudbury: Jones and Bartlett.

Lawrence, R. A., & Lawrence, R.M. (2005). Breastfeeding: A Guide for the Medical Profession (6th ed.). Philadelphie : Elsevier Mosby.

Malinda A. Stull, Vaibhav Pai, Archie J. Vomachka, Aaron M. Marshall, George A. Jacob,and Nelson D. Horseman. (2007) Mammary gland homeostasis employs serotonergic regulation of epithelial tight junctions. PNAS. 104 (42):
16708–16713.