7 octobre 2013

Question de la semaine: Qu'est-ce que le réflexe d'éjection du lait dysphorique?

Aujourd'hui, je parle d'un sujet proposé par Claire Colin: le réflexe d'éjection du lait dysphorique.

Le moment de mettre son bébé au sein est habituellement décrit comme rempli de tendresse et de bien-être. Cependant, pour un petit groupe de femmes, la tétée est plutôt une source de sentiments négatifs : perte de l'estime de soi, culpabilité, désespoir, honte. Il s'agit du réflexe d'éjection du lait dysphorique (D-MER).

La dysphorie est un terme médical désignant une perturbation de l'humeur caractérisée par des émotions déplaisantes et dérangeantes. La particularité du D-MER, c'est que ces sensations ne durent que le temps du réflexe d'éjection. Les mères qui en souffrent mentionnent en effet que leur malaise débute un peu avant ce moment et disparaît lorsque le bébé se met à avaler activement.

Ces vagues d'émotions négatives sont souvent décrites comme une tristesse extrême, accompagnée d'une incapacité à se concentrer. Certaines femmes diront aussi éprouver soudainement un dégoût pour la nourriture.

En raison de la similarité des symptômes, le D-MER est souvent confondu avec la dépression post-partum. Cependant, les mères qui en sont affectées se sentent très bien entre les tétées.

De plus, la stimulation des mamelons ne déclenche pas à elle seule ces sensations. C'est ce qui porte les experts à croire que la cause du D-MER serait hormonale. Les chercheurs croient d'ailleurs à un lien entre la dysphorie et les variations des hormones et des neurotransmetteurs.

Par ailleurs, la stimulation du nerf mammaire semble causer une diminution momentanée, mais importante de la quantité de dopamine. Étant donné que ce neurotransmetteur favorise une sensation de bien-être, il serait logique qu'une baisse occasionne des sentiments désagréables.

On ignore toutefois si la diminution de dopamine et la sécrétion d'ocytocine sont associées. Par contre, il existe un lien bien compris entre la dopamine et la prolactine, la première empêchant la production de la seconde. Par conséquent, si la prolactine est abondante, cela signifie qu'il y a peu de dopamine en circulation. Ces connaissances pourraient constituer les premières pistes vers une meilleure compréhension des mécanismes du D-MER.

Certains médicaments diminuent les symptômes du D-MER. Par exemple, la pseudo-éphédrine a cet effet puisqu'elle diminue les niveaux de prolactine et augmente donc ceux de dopamine. Malheureusement, la pseudo-éphédrine a un impact négatif sur la production de lait. Des substances favorisant le maintien de niveaux élevés de dopamine comme le bupropion ou l'orpin rose auraient aussi une certaine efficacité.

Le sentiment ressenti lors du D-MER peut être très troublant pour les femmes qui en font l'expérience. Certaines d'entre elles sont ainsi réticentes à aller chercher de l'aide. De plus, les professionnels connaissent mal cette condition. On peut donc supposer que le D-MER constitue une raison non déclarée de sevrage, d’où l'importance de mieux comprendre ce phénomène.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le développement de l'enfant? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse. (N'étant pas médecin, il ne m'est pas possible de répondre à des questions médicales sur l'état de santé d'une mère ou d'un bébé. Si vous éprouvez des inquiétudes à ce sujet, contactez plutôt un professionnel de la santé.)

Références:
Cox S. (2010) A case of dysphoric milk ejection reflex (D-MER). Breastfeed Rev. 2010 Mar;18(1):16-8.

Heise AM, Wiessinger D. (2011) Dysphoric milk ejection reflex: A case report. Int Breastfeed J. 2011 Jun 6;6(1):6. doi: 10.1186/1746-4358-6-6.

 Marieb, Elaine N. (2008) Biologie humaine, 2éd., Montréal: Éditions du Renouveau Pédagogique.