6 novembre 2013

Avez-vous vérifié le frein de langue?

Un bébé de 16 jours qui ne prend pas de poids, une mère qui doit allaiter son bébé au moins 8 fois par jour tout en tirant son lait 6 à 8 fois par jour, des professionnels qui cherchent une solution pendant une cinquantaine de jours... Classique, me direz-vous? Selon un article paru dans la revue Pediatrics, cette situation aurait pourtant été évitée si les intervenants avaient porté attention à un petit détail : le frein de langue du bébé, une membrane qui attache la langue au fond de la bouche.

Des spécialistes australiens ont démontré de façon convaincante que des anomalies au niveau de la langue du nourrisson peuvent considérablement nuire à sa consommation de lait.

L'histoire commence lorsque la mère d'un garçon de 16 jours se présente dans une clinique parce que celui-ci s'agite pendant les tétées et ne regagne pas son poids de naissance. La situation inquiète puisqu'un bébé regagne habituellement son poids de naissance dans les deux premières semaines de vie.

En pesant le bébé avant et après la tétée, les auteurs remarquent que celui-ci est très inefficace lors des tétées et consomme à peine 78 mL en 24 heures. Un bébé en santé boit généralement 750 à 1000 mL de lait par jour. La production de la mère est aussi inadéquate : à peine 350 mL par jour.

On sort donc le plan de soins habituel. La mère devra allaiter au moins 8 fois par jour, tirer son lait 6 à 8 fois en 24 heures et donner le lait exprimé à son bébé au biberon. On lui prescrit également de la dompéridone. Avec cette gestion réglée au quart de tour, la production de la mère s'améliore. Deux semaines plus tard, elle produit maintenant 1254 mL en 24 heures.

Cependant, à l'âge de 41 jours, le bébé ne réussit toujours pas à consommer suffisamment de lait au sein, 190 maigres millilitres selon les mesures. Un médecin évalue le nourrisson et le trouve en bonne santé. Il remarque toutefois que la langue bouge de façon étrange et que le bébé ne peut pas maintenir une succion adéquate. On s'adresse alors à un chirurgien pédiatrique. Verdict : le frein de langue du nourrisson est anormal. Le chirurgien procède à une frénotomie, c'est-à-dire une procédure mineure où on coupe le frein de langue du bébé pour rendre à la langue sa mobilité normale.

Le résultat est spectaculaire. En quatre jours, le bébé passe d'une consommation de 190 mL par jour à 810 mL. À partir de ce moment, il n'a presque plus besoin de recevoir du lait au biberon.

Ce résultat ne devrait toutefois pas surprendre. Les professionnels de l'allaitement savent depuis longtemps qu'un nourrisson avec un frein de langue trop court, trop épais ou trop rigide peut connaître plusieurs difficultés. En plus de blesser les mamelons de sa mère, il sera inefficace au sein et prendra donc peu de poids. De plus, comme il stimule mal les seins, la production de lait de la mère diminuera.

Ce qui étonne dans cette histoire, c'est qu'il ait fallu près de 50 jours pour découvrir le problème. Les auteurs remarquent d'ailleurs avec justesse que les professionnels devraient être conscients qu'un frein de langue anormal est difficile à détecter par la seule observation. Un examen digital est nécessaire. De plus, lorsqu'un bébé ne parvient pas à consommer suffisamment de lait lors d'une tétée, les intervenants devraient systématiquement examiner le frein de langue.

Cette histoire de cas rappelle l'importance de bien considérer tous les aspects de la situation lorsqu'un problème d'allaitement se présente. Il est facile de sortir la recette habituelle : allaiter souvent, tirer du lait et prendre de la dompéridone. On ne rend toutefois pas service à une mère en compliquant ainsi l'allaitement, d'où la nécessité de faire un diagnostic juste le plus rapidement possible.

Référence :
Garbin CP, Sakalidis VS, Chadwick LM, Whan E, Hartmann PE, Geddes DT. (2013) Evidence of improved milk intake after frenotomy: a case report. Pediatrics. 132(5):e1413-7. doi: 10.1542/peds.2012-2651. Epub 2013 Oct 7.