14 juin 2013

Le lait maternel pourrait façonner le tempérament de l'enfant

Pendant la première année de vie, le développement de l'enfant est très rapide. Par conséquent, l'environnement dans lequel il grandit peut avoir une influence sur celui-ci. Par exemple, les molécules se trouvant dans le lait maternel pourraient altérer la formation du cerveau. C'est du moins ce que concluent des chercheurs américains qui ont analysé l'effet d'un niveau élevé de cortisol dans le lait maternel sur le comportement des bébés à l'âge de trois mois.

Ils ont ainsi constaté que la consommation de lait maternel avec un fort contenu en cortisol était associée à un tempérament plus négatif chez les bébés filles. Cet effet n'était toutefois pas présent chez les garçons.

De plus, les chercheurs ont tenu compte de l'état psychologique de la mère dans leur analyse. Cependant, même en contrôlant pour ce facteur, l'effet sur le tempérament persiste. L'étude semble donc démontrer que cet impact est bien dû à l'exposition au cortisol dans lait maternel et non pas à l'attitude de la mère face à son bébé.

Il faut savoir que le cortisol est une hormone sécrétée suite à un stress. Celui-ci peut ensuite passer du sang vers le lait et on remarque alors un lien entre les niveaux sanguins de la mère et ceux dans le lait maternel. En d'autres termes, lorsqu'une mère vit un stress, le cortisol qu'elle produit se retrouve dans son lait.

Des études précédentes ont également révélé qu'une exposition au cortisol en période périnatale augmentait la peur, l'anxiété et les comportements d'inhibition face à la nouveauté à l'âge adulte.

Les chercheurs proposent donc que la présence de récepteurs pour le cortisol dans le cerveau, en particulier dans le corps amygdaloïde qui est responsable de la régulation des émotions et du stress, serait responsable de cet effet et donc que l'exposition au cortisol affecterait la structure du corps amygdaloïde. Par ailleurs, les différences entre les filles et les garçons pourraient s'expliquer par le développement du cerveau qui n'est pas exactement le même d'un sexe à l'autre.

Il est toutefois bon de garder en tête que les chercheurs ont observé ici une association et non pas un lien de causalité. Par conséquent, bien qu'ils proposent que c'est l'exposition au cortisol du lait qui cause le tempérament négatif chez les bébés, il n'est pas impossible que ce soit en fait l'inverse, c'est-à-dire que les mères qui ont un bébé au tempérament négatif soient plus stressées et produisent donc plus de cortisol.

Enfin, mentionnons qu'il faut demeurer extrêmement prudent dans l'interprétation de tels résultats.  Certaines personnes pourraient être tentées de croire qu'une mère stressée devrait laisser tomber l'allaitement. Il faut cependant se rappeler que les nombreux bénéfices de l'allaitement dépassent vraisemblablement le risque que représente l'exposition au cortisol. La meilleure approche est donc d'aider les mères à diminuer leurs sources de stress plutôt que suggérer le sevrage.

J'aimerais remercier Annabelle Boucher pour m'avoir fait découvrir cet article et pour ses réflexions pertinentes sur le sujet.

Pour en savoir plus sur le stress et l'enfant:
Le lait maternel a-t-il un effet calmant sur le bébé?
Quel est l'effet de la garderie sur le développement de l'enfant?
Référence:
Grey KR, Davis EP, Sandman CA, Glynn LM. (2013) Human milk cortisol is associated with infant temperament. Psychoneuroendocrinology. 38(7):1178-85. doi: 10.1016/j.psyneuen.2012.11.002. Epub 2012 Dec 21.