10 avril 2013

Droits ou caprices: L'autonomie des femmes lors de l'accouchement

 « Accoucher à la maison est criminel, négligent et dangereux. » Telles sont les paroles du Dr Robert Sabbah rapportée par le magazine "Enfant Québec" en octobre 2011. Des propos comme ceux-ci nient le droit d'une femme de choisir le lieu de son accouchement et remettent en question le principe même de l'autonomie d'une patiente pour prendre des décisions par rapport à sa santé. Cette attitude en regard des droits des femmes lors de l'accouchement est-elle généralisée chez les professionnels de la santé? C'est ce qu'ont voulu savoir des chercheurs australiens dans une étude dont les résultats ont été publiés dans le journal BMC Pregnancy and Childbirth.

En interrogeant 281 sages-femmes et 76 médecins, l'étude a pu déterminer que, si les professionnels de la santé sont d'accord en principe avec le droit pour les femmes de prendre des décisions de manière autonome, cela ne se traduit pas toujours par un support réel dans la pratique. De plus, leur connaissance des droits des femmes et du foetus ne sont pas toujours optimales. En fait, ces principes et connaissances semblent varier selon la profession de l'intervenant.

Ainsi, les professionnels interrogés sont d'accord avec le fait que les décisions finales devraient toujours revenir à la femme.  Toutefois, les médecins, et les sages-femmes dans une moindre mesure, croient que les besoins de la femme doivent parfois être mis de côté pour garantir la sécurité du bébé.  Il s'agit ici d'une affirmation complexe puisque ce n'est pas ce que dit la loi dans la plupart des pays occidentaux. En effet, le foetus n'y a pas officiellement de statut légal avant la naissance. Dans ce cadre juridique, selon les auteurs, une femme a le droit de refuser un traitement même si cela pourrait avoir un impact sur l'enfant à naître.

Bien entendu, une telle situation peut être difficile pour l'équipe médicale. Selon l'étude, cela est d'autant plus vrai que plusieurs médecins croient être responsables moralement ou légalement du sort du foetus et se sentent donc obligés de passer outre aux besoins de la femme en travail. Ces résultats vont aussi dans le même sens qu'une étude citée par les auteurs qui démontraient que, dans les faits, les professionnels de la santé supportent le droit d'une femme de choisir seulement si ce choix correspond à leur préférence.

Cela revient donc au sentiment de compétence du professionnel. L'étude a en effet révélé que les médecins croient qu'ils sont les plus compétents pour prendre une décision lors d'un accouchement. Comme on peut s'y attendre, les sages-femmes sont en désaccord avec cette affirmation. Les auteurs de l'étude font remarquer avec justesse que lorsqu'un intervenant se croit plus compétent qu'un autre, il peut être difficile de travailler en collaboration avec les autres membres de l'équipe. Par conséquent, selon les auteurs, ce contexte peut empêcher la création d'un environnement centré sur la femme.

On peut toutefois se réjouir du fait que la majorité des professionnels australiens interrogés étaient en désaccord avec l'idée qu'une femme en contrôle de son accouchement est un obstacle à la sécurité de celui-ci. Il semble donc que ce ne sont pas tous les médecins qui partagent la vision extrémiste du docteur Sabbah. Malgré tout, cette étude démontre qu'il y a encore de l'éducation à faire auprès des professionnels pour favoriser l'autonomie des femmes lors de leur accouchement.

Pour en savoir plus sur l'humanisation des naissances:
Deux stratégies pour humaniser la naissance
L'arbre et le nid: Pour réfléchir sur la naissance au Québec

Référence:
Sue Kruske, Kate Young, Bec Jenkinson and Ann Catchlove. (2013) Maternity care providers' perceptions of women's autonomy and the law. BMC Pregnancy and Childbirth, 13:84