5 décembre 2012

L'expression de colostrum pendant la grossesse est-elle efficace et sécuritaire?

Le diabète peut avoir des impacts sur l'initiation de l'allaitement. En effet, les femmes souffrant de diabète de type I ont des risques plus élevés d'avoir une montée de lait retardée. De plus, les femmes diabétiques ont plus souvent un accouchement médicalisé et leur bébé risque d'être transféré dans une unité de soins spécialisés, ce qui peut être une barrière supplémentaire aux débuts de l'allaitement. 

Pour cette raison, on suggère parfois à ces femmes d'exprimer leur colostrum à partir de la trente-sixième semaine de grossesse pour se constituer une réserve qui pourra ensuite être utilisée en cas de besoin pour diminuer la quantité de lait artificiel reçue.

Toutefois, il existe peu de données scientifiques sur l'efficacité et la sécurité de cette technique. De plus certains experts s'interrogent sur la possibilité que cette méthode déclenche le travail étant donné que la stimulation des mamelons engendre une libération d'ocytocine, activant ainsi l'utérus.

Des chercheurs du Royaume-Uni ont donc tenté d'en savoir plus sur le sujet en recrutant 235 femmes enceintes et diabétiques. Ces femmes ont été suivies pendant leur grossesse selon la procédure standard. Elles ont donc reçu de l'information sur la régulation du taux de sucre, sur les politiques de contrôle du taux de sucre du nouveau-né et sur l'expression du colostrum pendant la grossesse de même que sur ses bénéfices.

Les femmes ont ensuite reçu un questionnaire vingt mois après la naissance de leur bébé. Sur les 235 femmes recrutées, à peine 94 ont renvoyées le questionnaire complété. De plus, seulement 35 % de ces femmes disaient se rappeler qu'on leur ait suggéré d'exprimer leur colostrum pendant la grossesse et parmi celles-ci 46 % ont choisi de suivre cette recommandation. Globalement, 16 femmes ont exprimées leur colostrum pendant la grossesse.

Les chercheurs ont ainsi remarqué que l'expression du colostrum pendant la grossesse n'avait pas d'impact sur la durée de l'allaitement mais que les femmes l'ayant fait étaient plus nombreuses à avoir initié l'allaitement (100% vs 86 %). Par contre, celles-ci ont accouché plus tôt (37,1 semaines de grossesse vs 38,2 semaines) et leurs bébés ont été plus souvent admis dans une unité de soins spécialisés.

Les résultats de cette étude ne semblent donc pas très encourageants. En effet, d'après ces données, non seulement l'expression du colostrum pendant la grossesse ne protège pas le bébé de l'admission aux soins spécialisés mais elle augmenterait aussi les risques de déclencher le travail prématurément.

Toutefois, avant de conclure, il faut se pencher sur les limites de cette étude. D'une part, le groupe de femmes étudiées est très petit. Pour cette raison, plusieurs de ces données ont peu de signification statistique. De plus, d'après les résultats présentés, ce groupe ne semblait pas très uniforme, ce qui complique l'interprétation des données. D'autre part, les données obtenues reposent presque exclusivement sur les souvenirs des mères et ce, 20 mois après leur accouchement. On ne peut donc être certain que les données étudiées représentent bien ce qui s'est réellement passé au moment de la grossesse et de l'accouchement. Par exemple, bien qu'on mentionne que ces femmes ont reçu un suivi standard où il est question de l'expression prénatale du colostrum, seulement 35 % d'entre elles s'en rappelaient.

En conclusion, pour vraiment bien connaître l'efficacité et la sécurité de l'expression du colostrum pendant la grossesse chez les mères diabétiques, d'autres études plus rigoureuses devront être menées.

Référence:
Soltani H, Scott A. (2012) Antenatal breast expression in women with diabetes: outcomes from aretrospective cohort study. International Breastfeeding Journal, 7:18.