18 juin 2012

Question de la semaine: Le lait maternel pourrait-il aider une personne dont le système immunitaire est affaibli par la chimiothérapie?

Aujourd'hui, je réponds à la question de Chantal Caissié: "Le lait maternel peut-il aider une personne dont le système immunitaire est affaibli par la chimiothérapie?"

Lorsqu'une personne est atteinte d'un cancer, cela signifie que certaines cellules de son corps sont maintenant hors de contrôle et se multiplient de façon anarchique, causant les dommages qu'on connaît. Pour cette raison, l'équipe médicale aura parfois recours à des médicaments hautement toxiques pour les cellules qui se divisent rapidement. C'est ce qu'on appelle la chimiothérapie.

Malheureusement, ces médicaments ne font pas la différence entre les cellules cancéreuses et les cellules pour qui la multiplication rapide est normale, comme les cellules du système immunitaire. Celles-ci sont donc détruites et le patient n’a pour ainsi dire plus de système immunitaire fonctionnel, ce qui le rend très à risque de contracter des infections.

Comme on le sait, le lait maternel est un liquide biologique composé de nombreux facteurs immunitaires. Il contient plusieurs molécules antimicrobiennes, dont les fameux anticorps, ces protéines capables d'attaquer spécifiquement une foule de microorganismes. Par conséquent, lorsqu'une personne reçoit du lait maternel, il reçoit du fait même une certaine protection contre les infections. On dit alors qu'il est immunisé. Toutefois, on parle d'une immunisation passive. En effet, comme ce n'est pas le propre système immunitaire de la personne qui produit ces anticorps, la mémoire immunitaire ne s'établit pas et la protection fournie par les anticorps n'est que temporaire.

En théorie, une personne dont le système immunitaire est détruit par la chimiothérapie pourrait donc être protégée partiellement en recevant du lait maternel. Toutefois, dans la pratique, la situation peut être plus compliquée.

En effet, dans certains cas, le système immunitaire est à ce point détruit que le moindre microbe peut causer des infections sévères. Il faut alors prendre certaines mesures pour diminuer au minimum l’exposition à des microorganismes. Par exemple, dans certains cas, il peut être nécessaire de stériliser la nourriture du patient.

Malheureusement, le lait maternel n’est pas considéré stérile. On sait d'ailleurs que certains virus présents dans le lait maternel peuvent causer problème chez les bébés dont le système immunitaire est déficient. Il faut alors évaluer les risques associés à la présence de ces microorganismes dans le lait, les bénéfices associés aux molécules antimicrobiennes qu'il contient et bien sûr, l'état du patient. Enfin, il existe des méthodes pour stériliser le lait. Par exemple, les banques de lait ont des procédures particulières pour en diminuer la charge microbienne.

De plus, il est difficile de déterminer la quantité de lait nécessaire pour voir un effet chez un adulte. À titre indicatif, un bébé consomme 750 à 1000 mL par jour lorsqu'il est allaité exclusivement.

En conclusion, le lait maternel pourrait théoriquement être utilisé pour offrir une certaine forme d'immunisation aux patients soumis à des traitements de chimiothérapie mais il faudrait alors bien évaluer les risques d'infections possibles. Dans la pratique, les quantités de lait nécessaire seraient peut-être aussi trop importante. Finalement, la faisabilité d'un tel traitement demeure aussi problématique puisque dans le contexte actuel, on ne parvient même pas à offrir du lait maternel aux grands prématurés qui en ont tant besoin.

Tous les lundis, je réponds à une question des lecteurs sur la périnatalité. Il y a quelque chose que vous auriez toujours aimé savoir concernant la grossesse, l'accouchement, l'allaitement ou le maternage? Écrivez-moi à info@mamaneprouvette.com et je tenterai de trouver la réponse.
(N'étant pas médecin, il ne m'est pas possible de répondre à des questions médicales sur l'état de santé d'une mère ou d'un bébé. Si vous éprouvez des inquiétudes à ce sujet, contactez plutôt un professionnel de la santé.)

Références:
Marieb, Elaine N. (2008) Biologie humaine, 2éd., Montréal: Éditions du Renouveau Pédagogique.

Poliquin CM. (1990) Post-bone marrow transplant patient management. Yale J Biol Med. 63(5):495-502.

Walker, Marsha. (2006) Breastfeeding Management for the Clinician: Using the Evidence. Mississauga: Jones & Bartlett Learning.